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Cop 28 à Dubaï: de multiples polémiques, au paradis du pétrole

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Le grand rassemblement mondial de l'environnement se déroule actuellement à Dubaï, dans l'un des pays ayant un énorme impact carbone sur la planète, avec un président patron de compagnie pétrolière. Incompatible avec la protection de l'environnement?

Dès le départ, l’idée d’une conférence sur le climat à Dubaï pouvait sembler bizarre. La ville avait été désignée il y a une dizaine d'années comme la mégalopole ayant la pire empreinte carbone du monde. Trois millions d’habitants vivent en plein désert grâce à la clim. Avec la plus haute tour du monde, les plus grands centres commerciaux du monde, des îles artificielles construites en déplaçant des centaines de millions de tonnes de sable, une piste de ski couverte dans un pays où il fait 40 degrés six mois par an... Sans parler du projet d’une rue où il pleut toute l’année. Dubaï a tout inventé, même la pluie artificielle, et tout cela n’est pas très écolo...

Le choix fou d'un président patron de compagnie pétrolière

D'autant que pour présider cette COP 28, c'est le PDG d’une compagnie pétrolière qui a été choisi. Il s’appelle Sultan Al-Jaber, il a 50 ans et il porte de nombreuses casquettes. Il est ministre de l’Industrie des Emirats en exercice mais aussi PDG de l’Adnoc, la principale compagnie pétrolière du pays, qui dispose de la quatrième réserve de pétrole du monde.

Autrement dit, c'est un des hommes les plus puissants dans ce domaine qui va présider les débats qui vont justement beaucoup porter sur l’avenir des industries fossiles. Le conflit d'intérêts est évident. Des parlementaires européens et américains ont depuis longtemps protesté contre cette nomination mais sans être entendus.

La BBC a révélé qu’il a d'ailleurs profité de son poste pour faire des affaires. Le média britannique vient de publier 150 pages de documents qui sont des briefings que les équipes émiraties de la COP 28 préparaient pour son président avant les rencontres importantes. Et si l’on en croit ces documents, il était suggéré à l’émir Al Jaber de profiter de ces rencontres pour promouvoir les intérêts pétroliers de son pays.

Par exemple d’obtenir les montants d’un appel d’offre au Brésil pour pouvoir s’aligner. Par exemple, faire savoir aux autorités colombiennes que les émirats pouvaient les aider à développer leur industrie pétrolière. Par exemple, proposer à la Chine des investissements communs dans le gaz naturel liquéfié. Bref, ce président à double casquette est accusé d’avoir effectivement mélangé les genres. D’avoir profiter de réunions préparatoires consacrées au changement climatique pour faire avancer son business pétrolier.

Expliquez-nous par Nicolas Poincaré : Climat, une COP au paradis des pétroliers - 01/12
Expliquez-nous par Nicolas Poincaré : Climat, une COP au paradis des pétroliers - 01/12
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Un pays qui se projette dans l'après-pétrole

Que répond-il à ces accusations? Il dement en bloc. Il dit n’avoir jamais reçu ces notes préparatoires et il pose la question: "Est-ce vous croyez vraiment que j’ai besoin de la présidence de la Cop pour établir des relations commerciales avec ces pays?". Les Emiratis font par ailleurs valoir que Sultan Al Jaber a encore une autre casquette.

Il est aussi le président de Masdar, une société nationale émiratie qui a de très grands projets écologistes. Dont la construction de Masdar city, une ville entièrement verte qui devrait accueillir 50.000 habitants et 1.500 entreprises sans émettre de gaz à effet de serre. Elle fonctionnera entièrement à l'énergie solaire, avec une stratégie zéro déchet, des transports bas carbone, ce sera un laboratoire de la ville propre du futur. Et on ne peut pas contester non plus que les Emirats prévoient d’investir plus de 50 milliards de dollars dans les énergies renouvelables. C’est considérable.

On a donc un pays qui est un très gros producteur de pétrole mais qui se projette dans l'après-pétrole et qui investit beaucoup dans les énergies d’avenir. C’est exactement la position que va défendre le président de la COP 28 avec ces nombreuses casquettes. Il va dire: il faut sortir des énergies fossiles... mais pas trop vite quand même.

Nicolas Poincaré (édité par J.A.) avec AFP