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"Je suis un miraculé": le témoignage de Gaëtan, survivant de la terrible avalanche au Mont-Dore

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Trois jours après l'avalanche qui a fait quatre morts dans le Val d'Enfer, au Mont-Dore (Puy-de-Dôme), RMC a pu rencontrer Gaëtan. Il faisait partie de l'expédition et s'en est sorti, ainsi que deux autres membres du groupe.

Il y a trois jours, une avalanche au Mont-Dore, dans le Puy-de-Dôme, a fait quatre morts dont un guide de haute montagne et trois alpinistes expérimentés. Trois autres membres du groupe s'en sont sortis. Transférés au CHU de Clermont-Ferrand, deux d'entre eux sont totalement indemnes et le troisième a été gardé en observation en raison d'un traumatisme crânien modéré.

Le groupe faisait une sortie dans le Val d'Enfer, une zone de montagne hors piste, particulièrement dangereuse. Gaëtan, originaire du Cantal, et son cousin avaient réservé une journée avec un guide. Toujours sous le choc, ce père de famille raconte au micro de RMC comment il s'en est sorti. Et comment il va depuis le décès de son cousin.

"C'est une machine à laver, ça dure une éternité"

Lorsque l'avalanche se déclenche, la surprise est totale. "On n'a rien vu arriver, on était en confiance, le guide était chevronné", relate Gaëtan. "C'est parti d'un coup. Je pensais que c'était notre guide qui avait dévissé et qui nous avait entraînés dans sa chute".

Le groupe est alors pris par la coulée de neige. "C'est une machine à laver, ça dure une éternité. Il y a tout qui passe dans la tête, on ne sait pas quand est-ce que ça va s'arrêter, on a peur de choper un rocher... On entend crier de tous les côtés puis quand on arrive en bas, plus rien, plus de bruit, le silence total. C'est tout blanc... On se met à crier mais personne ne répond", se remémore Gaëtan.

"Je me suis dit: faut que je pense aux petites, ce n'est pas ici que ça va se finir", relate Gaëtan

Il faut désormais se dégager. "C'est l'instinct de survie qui commence à arriver. Il faut essayer de faire baisser son cardio, ralentir la respiration. Je me suis dit, faut que je pense aux petites, c'est pas ici que ça va se finir". Le père de famille essaie de bouger et arrive à mobiliser tout d'abord son poignet, puis l'avant-bras et le coude. "Je fais des petits mouvements de haut en bas et au bout de deux, trois minutes, j'arrive à percer la neige. Je savais que ma main était dehors."

1h15 pour se dégager

Il continue alors de gratter. "Je ne savais pas quel sens j'étais. Je gratte autour de ma tête et au bout de trois, quatre minutes, je vois le ciel et je respire", confie-t-il. Il crie de nouveau et cette fois-ci, quelqu'un lui répond. Il s'agit d'un membre de son groupe.

Une première "délivrance". "La neige est dure comme la pierre. Il faut continuer de se dégager, on se libère une épaule, puis un bras. J'ai réussi à prendre la pelle qui était dans mon sac et ça a accéléré le mouvement, j'ai réussi à creuser comme il fallait", explique Gaëtan. Il mettra 1h15 à se dégager entièrement.

Deux gendarmes du PGHM arrivent peu après sur place et extirpent totalement Gaëtan et le deuxième membre du groupe qui était conscient. "Ils nous ont sollicités pour gratter afin de découvrir les autres. On avait des détecteurs. On les a localisés facilement. J'ai compris que pour mon guide et mon cousin, ce serait compliqué..."

Gaëtan explique aussi qu'ils pensaient chercher deux personnes supplémentaires, qu'ils avaient rencontrées lors de l'ascension, mais qui avaient finalement rebroussé chemin.

Son état physique est rassurant

Des égratignures sur le nez, un doigt enflé, Gaëtan garde quelques stigmates de l'accident: "Je suis un miraculé".

“Ce sont des petites entorses, des petites entailles, des petits hématomes, mais ça ne compte pas. On verra comment ça évolue au cours des jours prochains sur le côté psychique. Pour l’instant, ça va parce que j’ai la chance d’être bien entouré, mais de toute façon, on n’a plus le choix, maintenant c’est fait. Il faut avancer”, assure-t-il.

"Je me suis mis en mode secouriste"

Avancer malgré la culpabilité pour Gaëtan, qui est aussi pompier, de ne pas avoir pu sauver son cousin et le guide qui les accompagnaient. "Il y a deux victimes inconscientes et qui ne respirent plus, et une victime consciente mais qui ne va bientôt plus respirer. Il fallait faire des choix..."

“Au début, tu ne penses qu’à te sauver toi. Quand tu sors au bout d’une heure, t’as l’impression de ne pas être allé assez vite pour essayer de porter secours aux autres. Mais je sais que j’ai fait mon maximum. Je me suis plus mis en mode secouriste qu’en mode affectif. Ça a été finalement la seule satisfaction de ma journée, d’avoir pu sauver cette femme”, confie-t-il au bord des larmes.

Comme elle, Gaëtan fait partie des survivants. Pour l'instant, il préfère renoncer à l'alpinisme. Ce jour-là, il préparait avec son cousin une expédition au Mont-Blanc.

Pierre Bourgès et Caroline Philippe avec Guillaume Descours