Mayotte: le bilan provisoire du cyclone Chido est-il encore sous-évalué?

Douze jours après le passage du cyclone Chido à Mayotte, le bilan provisoire est de 39 morts. Mais est-il juste? Juste après le passage du cyclone, le préfet de Mayotte François-Xavier Bieuville avait craint le pire, s’attendant, probablement sous le coup de l’émotion, à des centaines voire des milliers de victimes.
Au moment où le préfet s’exprime, les autorités comptabilisent tout juste les premiers morts à l’hôpital. Rapidement, des patrouilles vont se rendre dans des villages plus reculés où l’on découvre des corps. Dès le départ, les estimations sont aussi faussées par le fait que certaines victimes sont immédiatement inhumées par leurs proches, comme l’a rappelé le préfet.
La chaîne Mayotte La 1ère diffusera aussi, quelques jours après le cyclone, des images de mottes de terre meuble en bord de route, à Koungou, la deuxième ville la plus importante au nord de l’archipel. Des cimetières sauvages, selon la télévision locale, ui donne la parole à des riverains sans apporter davantage d'éléments factuels.
Mais depuis, la communication officielle a pris le contrepied de ces projections alarmistes. "Je pense que ça se compte en dizaines et pas en milliers", a indiqué le Premier ministre François Bayrou le 23 décembre sur BFMTV. "Je crois que les chiffres alarmistes et parfois terrifiants qui ont été avancés ne seront pas vérifiés dans la réalité", a-t-il ajouté.
Le bilan provisoire de 39 morts est toujours en cours de consolidation, assure le ministère de l’Intérieur. Une mission de recherche des personnes disparues se poursuit sous l’égide du préfet. Des drones survolent la région pour repérer des corps. Le préfet s’appuie sur les maires mahorais et les représentants religieux qui poursuivent le recensement des victimes.
Un bilan plausible selon une scientifique
Un bilan provisoire encore décrié sur place. La députée mahoraise Estelle Youssouffa (Liot) a continué de parler de dizaines de milliers de corps sous les décombres en début de semaine, assumant de raisonner "par déduction". Un chiffre qui n'est corroboré par aucun élément factuel aujourd'hui.
Mais il faut préciser que le gouvernement lui-même admet que le bilan de 39 morts et 124 blessés graves n’est pas en adéquation avec la réalité des 100.000 personnes qui vivent dans des bidonvilles. Personne ne connait le nombre d’habitants exacts de ces quartiers informels. En revanche, le préfet de Mayotte a lui-même nuancé l’ampleur redoutée des pertes humaines du début de la crise.
Pour faire taire la rumeur, la voix des scientifiques est décisive. Comme celle de la chercheuse Delphine Grancher, statisticienne et géographe, qui a fait une étude sur le bilan humain de l’ouragan Irma à Saint-Martin en 2017. Interviewée par Libération, elle estime qu’en l’absence de vagues de submersion et d’importants glissements de terrain, un bilan de quelques dizaines de morts parait à ce stade tout à fait plausible.