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Séduction, modernisme, scandales... Que retenir de Valéry Giscard d'Estaing?

EXPLIQUEZ-NOUS - Valéry Giscard d'Estaing s’est éteint dans la nuit de mercredi à jeudi à l'âge de 94 ans. Quelle image garder de lui ?

Le dimanche 19 mai 1974. Deuxième tour de l'élection présidentielle. Valéry Giscard d’Estaing est dans son bureau de ministre des Finances, rue de Rivoli. Il a accepté la présence silencieuse du cinéaste Raymond Depardon. A 20 heures, il allume brièvement la télévision pour avoir la confirmation de ce qu’il sait déjà depuis une demi-heure. Il a gagné. Et battu François Mitterrand. A l’annonce du résultat, il ne dit rien et ne manifeste rien. Très vite, il éteint la télé et place un vinyle sur sa chaîne stéréo. Et il écoute de la musique classique en silence. Pas de famille, pas d’embrassade, pas de coup de fil de félicitations. Un homme de 48 ans qui se met en scène, seul et sobre face à son destin. Ces images ne lui ont pas plu et il a interdit à Raymond Depardon de les utiliser pendant des années. On les a découvertes il n’y a pas si longtemps.

Sept ans plus tard, autre scène. Cette fois il n’y a pas d’images, mais c’est Giscard qui l'a lui-même raconté. On est à quelques jours du deuxième tour de la présidentielle. Il est dans son bureau à l’Elysée. Il s'appelle le standard du RPR, le parti gaulliste. Il se fait passer pour un sympathisant et il demande: "Je ne sais pas pour qui voter dimanche. Et la standardiste lui donne la consigne du parti de Chirac: "Il faut voter Mitterrand". Giscard a la confirmation de qu’il pressentait: il est trahi par les chiraquiens et il va perdre. Il va en plus totalement rater sa sortie, avec un "au revoir" télévisé assez ridicule qui va rester célèbre.

Entre ces deux images, il y a eu un septennat marqué par la modernité

Parce que la France s'était donnée un président de 48 ans, après Pompidou qui était malade et De Gaulle qui était vieux. Giscard en a joué, on l’a vu jouer au foot, faire du ski. Il s'invitait à dîner chez des Français, avec ou sans caméra. Il recevait des éboueurs pour petit-déjeuner avec lui à l’Elysée. Il présentait ses vœux aux Français au côté de sa femme Anne Aymone devant une cheminé. A la télé, il était comme chez lui, extraordinaire pédagogue pour expliquer la crise économique et le choc pétrolier.

Mais ce n’était pas que des images, il a conduit aussi d’importantes réformes

Il a nommé Simone Veil, à la Santé. Première femme ministre de la Cinquième république, jusqu'à la il n’y avait eu des secrétaires d’état. Et Simone Veil et lui ont fait la loi autorisant l’avortement. Réforme menée contre sa propre majorité qui n’en voulait pas.

Il a abaissé l'âge de la majorité de 21 à 18 ans. Il a lancé ce qui s’appelait l’écu et qui allait devenir l’euro avec son ami le chancelier allemand Helmut Schmidt. Il a mis sur les rails le TGV. Mis en service le Concorde en 1976.

Et il a présenté plusieurs budgets à l’équilibre, sans déficit, ce qui n’est plus jamais arrivé depuis.

Des échecs aussi

Voilà pour les succès, mais son septennat a aussi été marqué par une hausse du chômage et finalement, tout s'est mal terminé. En partie à cause du scandale des diamants. Le canard enchaîné avait révélé qu’il avait reçu des diamants de Bokassa, l’empereur de Centrafrique dont la France avait financé un invraisemblable sacre digne de Napoléon.

Giscard était aussi un président séducteur

Il a été le premier d’une série de présidents Français qui aimaient les femmes. Comme ses successeurs Mitterrand et Chirac. A une époque où les journalistes ne parlaient pas de ces choses-là.

Le Canard Enchaîné avait tout de même révélé un accident un petit matin sur les Champs-Elysées entre un camion de laitier et une Ferrari. Dans la Ferrari se trouvaient le président de la République et une très belle actrice, Marlène Jobert.

L’empereur centrafricain, Jean Bedel Bokassa m’a un jour raconté à Bangui que Giscard lui avait piqué sa femme, l’impératrice Catherine en marge d’une partie de chasse au lion. Je ne sais pas si c’est vrai.

Valéry Giscard d'Estaing lui-même entretenait cette réputation de séducteur. Il avait écrit un roman laissant entendre qu’il avait eu une relation avec Lady Di, ce qui était sans doute faux.

Nicolas Poincaré (avec J.A.)