"C'est trop facile": le gouvernement a-t-il raison de pointer la responsabilité des parents?

"Ce n'est pas l'Etat qui éduque les enfants, mais les parents". Le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti est monté au créneau concernant la "responsabilité" des parents qui laissent les mineurs participer aux graves émeutes qui touchent le pays depuis la mort de Nahel mardi dernier lors d'un contrôle de police.
Il suit la partition instillée par le président de la République Emmanuel Macron qui avait appelé vendredi dernier lors d'une cellule de crise interministérielle à les parents "à la responsabilité" en gardant les mineurs au domicile familial.
"L'Etat peut aider les parents mais il ne peut pas se substituer à eux"
"Les parents qui ne s'intéressent pas à leurs gamins et qui les laissent traîner la nuit en sachant où ils vont aller (...) ils encourent deux ans de prison ferme et 30.000 euros d'amende", a rappelé le ministre de la Justice en déplacement au tribunal de Créteil (Val-de-Marne) ce week-end.
"Ce n'est pas à l'Etat d'élever les enfants. L'Etat peut aider les parents mais il ne peut pas se substituer à eux", a ajouté Eric Dupond-Moretti, venu "constater la mise en application" d'une circulaire qui a été rédigée rapidement face aux événements que connaît le pays.
"Les jeunes ont arrêté de nous écouter, ils ont décidé d'en découdre avec la police"
Invitée d'"Apolline Matin" sur RMC ce lundi, Fatimata Sy, fondatrice du collectif Les Gilets roses, estime que viser les parents n'est pas forcément la meilleure solution. Le collectif des Gilets roses a été créé en 2021 par des mères de famille des Tarterêts, à Corbeil-Essonnes, pour prévenir les rixes. Il tente depuis la mort de Nahel de dialoguer avec les jeunes émeutiers en effectuent notamment des rondes le soir, mais la situation sur le terrain est vraiment difficile et la dialogue quasi-impossible.
"C'était très difficile avec les jeunes. On leur dit qu'ils gâchent la vie de leurs parents, de leurs frères et sœurs en brûlant tout. Mais ils ne veulent plus écouter. Ils disent qu'on a raison mais nous disent: 'Cette fois-ci, on va le faire, rentrez-vous et laissez-nous faire, cette fois ça va péter'. Ils sont dans cet état d'esprit".
"Ils ont arrêté de nous écouter. Ils sont 'déter' (déterminés ndlr), ils ont décidé d'en découdre avec la police", concède-t-elle. "C'est une détresse, une peur pour leur avenir, c'est de la frustration et de la colère"
"D'accord on a notre part de responsabilité (...) mais l'Etat n'est pas là"
Concernant les parents, elle estime que c'est "trop facile" de pointer leur responsabilité des parents. "On entend ça souvent, c'est pour ça qu'on a créé ce collectif. (...) D'accord on a notre part de responsabilité (...) mais l'Etat n'est pas là. Quand on est seuls, voire très seuls, en tant que famille monoparentale, c'est très difficile. Je trouve que nos quartiers sont abandonnés", généralise-t-elle.
La circulaire envoyée vendredi rappelle qu'il est possible d'avoir recours à la force publique pour faire venir les parents qui ne se présenteraient pas à une convocation de leur enfant devant la justice, ou de les condamner directement à une amende ou un stage de responsabilité parentale.
Il est aussi souligné que les parents sont civilement responsables des infractions commises par leurs enfants, et donc des dommages et intérêts à payer. "Lorsque les circonstances le justifieront", dit aussi la circulaire, les parents eux-mêmes pourront être poursuivis en cas de "graves manquements" à leurs obligations légales.