Émeutes: à Aulnay, que disent les parents sur leur responsabilité vis-à-vis des jeunes ados dans les rues?

Ecoles incendiées, mairies saccagées, magasins pillés… Des scènes de guérilla ont émaillé tout le pays depuis la mort de Nahel, cet adolescent de 17 ans tué par le tir d’un policier à Nanterre le 27 juin dernier.
Vendredi, Emmanuel Macron a appelé les parents à la responsabilité : il leur a demandé de garder leurs enfants chez eux, alors qu'"un tiers des interpellés de la nuit dernière sont des jeunes, voire des très jeunes".
Sur le terrain, dans cette zone commerciale d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) par exemple, la toiture d’un restaurant s'est effondrée sous les flammes. Devant une dizaine de voitures calcinées, une mère de famille s’exclame : “quand je vois ça, franchement j’ai honte”.
"Pas fliqués... mais presque"
Aidée par Matéo, son fils de 14 ans, Sophie range ses courses. A la question de savoir quel est son avis sur le jeune âge de certains émeutiers, Sophie explique que “hélas, les parents n’ont plus la main sur leurs enfants”.
Elle qui a trois garçons assure que son ainé, “qui a 17 ans et demi”, ne peut pas sortir sans rien dire à sa mère. “Ils ne sont pas fliqués… mais presque. Ce n’est pas que je n’ai pas confiance en mes enfants, c’est que je n’ai pas confiance en ce qui se passe autour”, dit-elle.
Pour s'organiser, ces jeunes auteurs de violences urbaines utilisent massivement les réseaux sociaux... Depuis mardi, Mateo, le fils de Sophie, voit passer des appels au saccage sur Snapchat.
“Ils affichent tous leurs exploits, etc… Ils les diffusent un peu partout, et ça en amuse plus d’un. Du coup après il y a davantage de rassemblements, ça prend une plus grosse communauté”, explique Mateo, 14 ans.
Quelques mètres plus loin, Inès filme ce qu'il reste du restaurant où elle avait l'habitude de venir manger avec ses deux ados. Vendredi, ils étaient tous les deux à la maison. Car oui, pour cette maman, les parents ont une part de responsabilité. Toutefois, elle tempère en prenant un certain recul sur des situations familiales parfois compliquées.
“Je me mets aussi dans la position de certaines mamans qui sont seules, ou qui ont peut-être des difficultés avec certains enfants. Cela va très vite, les questions de groupe… Il suffit qu’un donne l’idée pour que tout le monde fasse n’importe quoi”, analyse Inès avec empathie.
Mettre "beaucoup de force visible"
A Aulnay-sous-Bois, les locaux de la police municipale et une annexe de la mairie ont été incendiés. Des caméras de surveillance détruites, des voitures brûlées, et des magasins pillés. Les auteurs? De très jeunes habitants de la ville, selon le maire Les Républicains Bruno Beschizza.
Pour lui, l'appel à la responsabilité des parents d'Emmanuel Macron, n’est pas suffisant.
“Que le président l’ait fait, tant mieux! Encore faut-il que ce soit relayé et que la parole présidentielle ne soit pas décrédibilisée. On ne peut faire ça que si en même temps on assure une tranquillité publique. Il faut dans certains quartiers que l’on mette beaucoup de force visible, pour rassurer les papas et mamans, et pour leur dire “Regarde, tu dis à ton gosse de ne pas descendre parce que sinon il va tomberdans les mains d’autres individus”, déclare Bruno Beschizza.
Même son de cloche pour Jérôme, un médiateur de quartier. Il explique qu'il y a "beaucoup de mamans seules, des gens qui ne sont pas armés, des enfants qui sont livrés à eux-mêmes".
"On cherche à culpabiliser les parents mais y a-t-il des parents? Le tissu associatif et sportif sur une ville fait son travail, mais il y a plein de jeunes qui passent au travers des filets. On ne peut pas toucher tout le monde", assure le médiateur.