Enseignement privé: financement, mixité sociale... un rapport parlementaire réclame "une vraie transparence"

Un rapport parlementaire, rendu public ce mardi à l’Assemblée nationale, relance les interrogations sur la gestion de l'enseignement privé. Les deux rapporteurs du texte, le député Renaissance Christopher Weissberg et son collègue LFI Paul Vannier, estiment qu'il n'y a pas assez de transparence sur les sommes dédiées à l'enseignement privé. Deux élus de camps opposés, mais qui se rejoignent sur le constat: pas assez de contraintes ou de contreparties demandées à ces établissements.
Entre 10 et 12 milliards d'euros sont distribués par an aux établissements privés (principalement catholiques), de l'argent qui provient de l’Etat, qui rémunère les enseignants, et des collectivités qui versent des subventions. Soit 75% du financement de l'enseignement privé, qui rassemble plus de 2 millions d'élèves.
"Il y a 8,2 milliards d’euros qui sont financés par l’Etat. Ce sont à 90% les salaires des professeurs. Il y a 1,8 milliard qui correspond aux collectivités territoriales. Ce sont des sommes très importantes. On s’est aperçu que dans l’évaluation de tout ça, parce qu’il y a différents financements, on n’a pas une vision très précise de ce que coûte l’école privée, explique Christopher Weissberg dans Apolline Matin ce mardi sur RMC et RMC Story. L’essentiel, pour éviter les fantasmes, c’est qu’on ait une véritable transparence sur ce que dépensent l’Etat et les collectivités. Et en échange, il faut aussi que le privé se plie à davantage de contrôle, qu’on sache pourquoi il dépense. Quand ils font des erreurs, des fautes, il faut que l’Etat puisse reprendre la main, exiger un certain nombre de choses."
"Il y a les cas emblématiques, à Stanislas par exemple, mais c’est presque l’arbre qui cache la forêt, ajoute-t-il. Globalement, ce sont des acteurs qui se comportent bien, qui ont une mission de service public et qui l’appliquent. Parfois, on va apercevoir des exceptions à la règle établie par la loi Debré. Par exemple, des cours de catéchèse donnés avec l’argent public. Ce n’est pas accepté par la loi. Il faut pouvoir le contrôler. Et que l’Etat puisse trouver des solutions."
Un malus en cas de "ségrégation socio-scolaire"?
Le rapport présente une cinquantaine de préconisations, notamment sur la mixité sociale avec plusieurs pistes, dont celle défendue par Paul Vannier d'instaurer un malus en cas de "ségrégation socio-scolaire". S'il y a un vrai écart de mixité sociale entre une école privée et une école publique voisine, l'établissement privé subirait une baisse de ses dotations.
Le député Christopher Weissberg préférerait un système d'incitation, avec par exemple des conventions d’objectifs entre les pouvoirs locaux et l'école privée. Les deux députés veulent également mieux contrôler les établissements qui se débarassent des mauvais élèves. Avec là encore, deux approches: donner au recteur un droit de regard sur les non-réinscriptions dans les écoles privées ou bien sanctionner directement les établissements qui abusent du procédé. L'enseignement privé a déjà réagi en dénonçant un rapport à charge.
"Peu de cours ratés" dans le privé
Père de deux garçons, Ladislas a “quand même le sentiment qu’il y a un minimum de mixité sociale” dans l’établissement de ses enfants. Entre public et privé, il n'a pas hésité longtemps “parce que le niveau est très bon, parce qu’il y a peu de cours ratés par absence de professeur”.
D'autres parents reconnaissent, eux, que le privé n'attire pas forcément le même public. Mais ils n'ont pas vraiment envie que cela change pour le bien de leurs enfants.
“C’est important d’avoir un niveau moyen qui augmente plutôt que l’inverse mais je ne pense pas que l’on ait intérêt à tirer vers le bas les écoles où ça fonctionne”, explique l’un d’eux.
La part des élèves favorisés dans le privé en hausse
D'après le CNRS, la part des élèves favorisés dans un collège privé est passée en moyenne de 30 à 41%. Cela met en danger l'école publique, déplore Grégoire Ensel, président de la Fédération des conseils de parents d'élève.
“On vient cultiver un système scolaire à double vitesse. Les établissements privés sous-contrat viennent, en quelque sorte, siphonner les établissements publics qui ont besoin de cette diversité des publics.”
D’après lui, c’est inacceptable que l’État finance à 75% le fonctionnement des écoles privées. La FCPE demande non seulement des malus, mais aussi une réorganisation de la carte scolaire pour empêcher les contournements.