Procès de la Bac Nord de Marseille: que reproche-t-on exactement aux policiers?

C’est l’histoire de la BAC (Brigade anti-criminalité) des quartiers nord de Marseille, la meilleure brigade anti-criminalité de France à l’époque, en termes de résultats avec notamment 4.000 interpellations par an. Sauf que ces résultats, on l’apprendra plus tard, étaient acquis avec des méthodes douteuses et des flics véreux.
En octobre 2012 lorsque l’affaire a éclaté le procureur avait parlé d’une police gangrenée, de fonctionnaires qui avait utilisé tout le catalogue des agissements inacceptables : récupération de l’argent des trafics, partage de butin, détournement de l’argent saisis, rémunération des indics avec de la drogue.
C’est l’une des plus grosses affaires de ripoux que la France a connu. Sept policiers avaient même été incarcérés dans toutes les prisons de la région. Le nouveau ministre de l'intérieur, Manuel Valls avait à l’époque aussitôt dissous, l’équipe de jour de la Bac nord de Marseille.
Des pratiques dénoncées par d’autres policiers de la Bac
Ce sont quatre policiers de terrain, choqués par les méthodes de leurs collègues qui ont sonné l’alerte. Et notamment, un brigadier de 36 ans, Sébastien Bennardo. Dès son arrivée, il s'étonne de voir les policiers faire le plein de leur voiture personnelle à la pompe réservée au véhicule de service. Puis un indicateur lui parle d’une saisie de 200 cartouches de cigarettes, mais il n’en trouve pas trace dans les rapports du jour. Il s’en étonne auprès d'un des chefs de la BAC qui lui répond : "Occupe-toi de ce qui te regarde".
Ce brigadier et trois autres policiers intègres vont plusieurs fois lancer des alertes. Il y aura des enquêtes internes, des rapports, des mutations promotions pour écarter des ripoux sans faire trop de vague, mais le système perdure jusqu’en 2012…
C’est finalement l’IGPN qui débusque les policiers véreux
Les policiers de l’IGPN, la police des polices, ceux qu’on appelle les "bœuf carottes" sont saisis au départ après l’assassinat dans des conditions troubles d’un dealer-indicateur surnommé "Le Gros". Ils vont alors déployer des moyens d’habitude réservés au grand banditisme
Tous les policiers de la Bac sont placés sur écoutes. Seulement, ce sont des policiers, ils savent comment ça marche et ils ne disent plus rien au téléphone. Alors l’IGPN place des micros dans leurs bureaux et surtout dans les voitures de patrouille. Et là, ça marche. Des conversations sont enregistrées. On entend un policier dire. “Y’avait 2.500 euros dans la sacoche, j’ai régalé 5 collègues."
On découvre également trafiquant arrêté avec 36.000 euros : sauf que le temps de le conduire au commissariat, 9.000 euros ont disparu. Ou encore, on entend, des policiers dire à un petit trafiquant. “File nous deux barrettes de haschich et on te laisse partir.”
Les policiers mis en cause s'appellent le grand Seb, "Le Poulpe", "cheveux long" ou bien "Petit jean".
Finalement la police des polices lance un coup de filet. On découvre de la drogue et de l’argent liquide dans le vestiaire du commissariat, caché sous un faux plafond. Chez un des policiers on va saisir 100.000 euros cachés dans son jardin, plus une arme automatique. Un autre avait économisé en quelques années 150.000 avec un salaire de 2.500 euros par mois…
Seulement 18 policiers vont se retrouver dans le box des accusés
Oui, et sur ces 18, seulement 3 ont été révoqués. Les 15 autres sont encore dans la police. Y compris quatre de ceux qui avaient été incarcérés. Ils ont fait l’objet de sanctions administratives, de blâmes de suspension temporaires mais ils ont tous retrouvé des postes et leurs salaires.
Lionel Dian le correspondant de RMC à Marseille qui connaît particulièrement bien l’affaire raconte que le policier qui avait caché l’argent dans son jardin, celui qu’on surnommait le grand Seb, n’a pas quitté la police. Il est aujourd’hui délégué du syndicat Alliance dans le Var.
En revanche celui qui avait dénoncé tous les autres le brigadier Bennardo, a lui été depuis révoqué. Pour une sombre histoire de fausse déclaration à l’assurance. Il est aujourd’hui agent immobilier.
Tout cela ressemble beaucoup à un film et d’ailleurs sera bientôt c’est un film “bac nord”. Avec Gilles Lelouche dans le rôle principal. Il est prêt à sortir, il attend la réouverture des salles…