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"Je ne vis plus, je n’ai aucun plaisir": le témoignage d'une retraitée sur ses difficultés

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Les pensions de retraite n'étant plus indexées sur l'inflation, les retraités français s'appauvrissent. C'est le cas d'Anissa, 70 ans, qui avec 1.200 euros par mois, est obligée de se nourrir aux Restos du cœur.

Les retraités manifestent ce jeudi pour leur pouvoir d’achat dans une vingtaine de grandes villes. Dans l’Oise, où un quart des habitants a plus de 60 ans, la colère gronde. Anissa, 70 ans, vit dans le département, à Ercuis. Elle a les traits fatigués par une vie de travail, de ses 18 à ses 61 ans, avant le licenciement, le chômage puis la retraite. Elle touche aujourd’hui 1.200 euros de pension.

Problème, ces pensions ne sont plus indexées sur l’inflation. Conséquence, le pouvoir d’achat des retraités est en baisse depuis 10 ans, comme le montrent les chiffres du gouvernement et de la CGT. Alors Anissa se fait livrer toutes les semaines un panier des Restos du cœur par Cathy, une de ses voisines :

"Quand je me suis retrouvé au chômage, mes revenus avaient baissé mais maintenant avec la retraite, c’est une catastrophe. Cela ne me fait même pas le Smic", assure-t-elle à RMC, "Je ne vis plus, je ne sors plus, je n’ai plus de vie sociale. Ce n’est pas une vie. Je n’ai plus aucun plaisir, je mange, je me force parfois. Je me demande pourquoi je suis encore en vie. On ne travaille plus, on n’a plus le droit d’exister. Je suis rentrée dans la catégorie des nécessiteux", raconte-t-elle.

"Ça me bouleverse", assure Cathy. "Je ne supporte pas qu’on ait aujourd’hui des gens dans des situations aussi difficiles. Ce sont des gens qui ont travaillé toutes leurs vies et ils ne profitent de rien". Et si un candidat devait se rendre à Ercuis, Annissa lui claquerait "la porte au nez". "Je n’y crois plus c’est tout".

"Je pense que j’ai vécu à une époque dorée"

Anissa n’ira pas voter cette année, c’est étonnant car les plus de 65 ans sont ceux qui votent le plus. En 2017, 85% d’entre eux étaient inscrits sur les listes électorales contre 78% de la population totale. Les seniors les moins touchés par la précarité et la solitude sont ceux qui votent le plus. C’est le cas de Monique, très impliquée dans la vie locale. À 66 ans, cette ex-enseignante a eu la chance de partir à la retraite à 54 ans.

"C’est important d’avoir des liens familiaux, sociaux et associatifs, de faire des activités juste de plaisir, d’aller au cinéma ou au restaurant, au yoga", raconte-t-elle. Elle pense voter pour les écologistes à l’élection présidentielle "pour le monde qu’on laisse à nos enfants".

"Je ne vois pas pourquoi il faudrait travailler plus, après avoir bossé toute sa vie et arriver à sa retraite tellement cassé que ce n'est un bénéfice pour personne ni à titre personnel ni pour la société. Je pense que j’ai vécu à une époque dorée. Pour la génération de mes enfants et de mes petits-enfants. Rien n’est plus acquis de la même façon. C’est un monde beaucoup plus incertain", assure-t-elle.

Si Monique a peur pour l’avenir, les retraités français, même s’ils s’appauvrissent, restent parmi les moins pauvres d’Europe, derrière seulement ceux de Norvège et du Luxembourg.

Martin Cadoret et Mahauld Becker-Granier (avec G.D.)