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"La Poste fait des bénéfices sur les chômeurs": privés d'indemnités, d'anciens postiers veulent attaquer en justice

Exaspérés et en colère, des anciens postiers ont décidé de lancer une action en justice groupée contre leur ancien employeur. La Poste verse elle-même les allocations chômage à ses anciens salariés. Mais ces derniers dénoncent des lenteurs dans le traitement des dossiers et des retards de paiement à répétition.

Depuis le mois de septembre, Stéphanie Jarrige attend que la Poste lui verse ses indemnités chômage. Près de 3.000 euros. Mais La Poste reste sourde à ses demandes. "On me réclame un document qui n'existe pas, la preuve que j'aurais travaillé pour un autre employeur en février 2021, mais à cette période je n'ai travaillé que pour la Poste. C'est absurde, j'ai les factures qui s'enchainent, je ne peux plus payer les loyers ni la cantine de mes filles. La dernière fois que j'ai demandé on m'a répondu : 'Qu'est-ce que vous voulez que ça me fasse, ça ne m'empêchera pas de dormir".

Cette ancienne factrice fait partie des anciens salariés de la Poste ayant décidé d'entamer une action une justice groupée contre la Poste. Elle est aussi membre de la page Facebook "Les victimes du système chômage de la Poste", qui réunit plus de 700 personnes.

Sur cette page, des centaines de témoignages: "Je suis désespérée, je ne sais plus vers qui me tourner", "je suis menacé d'expulsion", "je n'ai rien touché depuis le mois de juillet dernier", peut-on ainsi lire.

"Depuis deux ans, je ne sais jamais quand je vais être payée"

Aline Balluet, elle aussi, a décidé d'attaquer La Poste : "Quand vous voyez la tête des agents de Pôle Emploi qui vous annoncent que c'est La Poste qui va vous indemniser, ils lèvent les yeux au ciel, vous avez tout compris. Depuis deux ans, je ne sais jamais quand je vais être payée. Je suis la seule à avoir des revenus, mon mari est père au foyer. Avec deux enfants à charge, je fais comment pour les nourrir ? On préfèrerait tous être à Pôle Emploi"

Si les anciens postiers ont décidé d'entamer une action groupée, c'est parce que cela fait des années qu'ils dénoncent un système défaillant. Des députés et des sénateurs ont d'ailleurs à plusieurs reprises posé des questions au gouvernement. En septembre dernier, le ministre de l'Economie expliquait alors les retards de paiement par le "confinement des équipes" et une "augmentation du nombre d'allocataires". Mais combien d'anciens salariés sont-ils pris en charge par La Poste ? Impossible d'avoir une réponse.

Même les syndicats, interrogés par RMC, ne disposent pas de cette information. Régulièrement, la CGT, sollicitée, envoie une liste de noms d'anciens postiers à la direction pour que leur situation soit régularisée. Mais certains finissent par abandonner leurs droits, et pour l'entreprise, un des plus gros employeurs de France, environ 200.000 salariés et beaucoup de contrats précaires, c'est une opération gagnante.

Une avocate spécialisée en actions groupées mandatée

C'est en tous cas ce que pense Claude Quinquis, délégué CGT de l'entreprise. "Comme La Poste organise son système chômage, elle ne paie pas de cotisations chômage. On peut même se dire qu'elle fait des bénéfices sur les chômeurs. Certains CDD ne demandent même plus leurs indemnités, compte tenu des difficultés. C'est de l'argent gagné pour la Poste".

De son côté La Poste, qui a refusé nos demandes d'interview, assure : "Consciente de sa responsabilité, La Poste améliore continuellement la prise en charge des situations individuelles : renforcement des équipes (une cinquantaine de personnes), possibilité de déposer son dossier de façon digitalisée, adaptation de l’accueil téléphonique. La prise en charge des situations individuelles intervient dans les 24 h suivant l’arrivée des dossiers et, pour les dossiers complets, une mise en paiement est effective dans les jours qui suivent".

Mais cette fois, les anciens postiers ont décidé de ne pas en rester là. Ils ont mandaté une avocate, spécialisée en actions groupées, Maître Emma Léoty, qui prépare le lancement d'une action en justice dans les prochains jours.

Marie Dupin (édité par J.A.)