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Mort de Marie Trintignant: "depuis son décès, il y a eu 3.000 femmes tuées par leur conjoint ou ex"

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Marie Trintignant s'est éteinte le 1er août 2003. Vingt ans après, l'historienne, écrivaine et militante féministe Florence Montreynaud voit des améliorations dans le traitement des féminicides mais pointe de nombreux progrès à faire dans la prise en compte des violences faîtes au femmes dans la société.

Dans la nuit du 26 au 27 juillet 2003, l'actrice Marie Trintignant est frappé à plusieurs reprises par son compagnon de l'époque, le chanteur du groupe Noir Désir Bertrand Cantat, dans une chambre d'hôtel à Vilnius (Lituanie). La comédienne, dans le coma puis en état de mort cérébrale, est rapatriée en France et décédera le 1er oaût 2003 des suites des coups portés par Bertrand Cantat, qui sera condamné à huit ans de prison en Lituanie.

L'entretien RMC : Florence Montreynaud - 30/07
L'entretien RMC : Florence Montreynaud - 30/07
13:00

20 ans après, une marche en hommage à Marie Trintignant aura lieu ce dimanche à Paris, cimetière du Père-Lachaise, où est enterrée l'actrice. Florence Montreynaud, historienne, écrivaine et militante féministe est à l'origine du réseau "Encore féministes !", à l'origine de l'organisation de cette marche. Invitée de la Matinale Week-End de RMC, ce dimanche, elle a estimé que "la disparition de Marie Trintignant a été un tournant dans la prise de conscience collective des violences faites aux femmes, mais qu'il reste encore beaucoup de travail à faire".

A l'époque, elle se souvient d'un "traitement médiatique" qu'elle juge "insensé": "les premiers journaux disaient l'entourage de Bertrand Cantat espèr(ait) qu'on va privilégier la thèse de l'accident, ou bien on parlait dans le meilleur des cas de drame de la jalousie."

Un traitement médiatique qui s'est amélioré

"Drame de la jalousie", "crime passionnel", des termes utilisés à l'époque qui ne sont plus utilisés aujourd'hui. Pour l'historienne, "il s'est passé quelque chose de nouveau depuis 20 ans: les journaux, les médias ont pris conscience que ces mots appartenaient au XIXᵉ siècle." En lieu et place, le terme de féminicide a émergé ces 20 dernières années: une évolution importante pour Florence Montreynaud.

"Crime passionnel ? Ce n'est pas dans le code pénal où on ne connaît que le meurtre d'assassinat"

Mais depuis 20 ans, la situation ne s'est pas forcément améliorée. Selon le collectif "Féminicides par compagnons ou ex", depuis la mort de Marie Trintignant, 3.000 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint. Dans un foyer sur dix, l'homme exerce des violences physiques sur sa femme, selon les mêmes chiffres.

"C'est un fléau, un problème de société. La France s'y prend très mal depuis 20 ans. Il y a un constat mais pas beaucoup d'amélioration alors qu'au contraire, en Espagne, le problème a été pris très différemment. On voit que la grande loi cadre de 2004 a produit des effets: il y a moins de féminicides en Espagne désormais, tandis qu'en France c'est à peu près stable", explique l'écrivaine.

L'Espagne comme modèle

Pour Florence Montreynaud, la France doit prendre comme modèle l'Espagne, un pays "qui était extrêmement machiste, qui depuis 1975 a progressé beaucoup plus vite que nous, qui nous satisfaisons d'être un pays machiste ou on fait un peu quelque chose pour régler la situation, mais pas plus."

"Les femmes, grande cause du quinquennat? c'est plutôt grande 'cause toujours'", tacle-t-elle.

Elle cite notamment ce chiffre: le gouvernement espagnol débloque tous les ans 16 euros par habitant pour lutter contre les violences faites aux femmes. En France, c'est seulement 5 euros seulement en France.

"On y est pas du tout ! Certes, il y a eu la formation de policiers et de gendarmes, certes, mais elle est très insuffisante: on sait que les femmes qui vont porter plainte ne sont pas toujours bien accueillies, alors qu'il faudrait tellement d'aides pour ces femmes qui souvent repartent sans solution. Dans les mentalités, on n'a pas encore compris que ce n'est pas aux femmes d'être hébergées dans des refuges. C'est aux hommes violents d'être éloignés du foyer, comme on le prévoit dans la loi suédoise depuis 1997", explique-t-elle.

Pour Florence Montreynaud, c'est une question de moyens: "On peut bien faire une grande cause nationale mais si on ne lui donne pas les moyens, c'est il n'y a pas de volonté politique et il n'y a pas de pédagogie", conclut-elle.

3919: le numéro de téléphone pour les femmes victimes de violences
► Le "3919", "Violence Femmes Info", est le numéro national de référence pour les femmes victimes de violences (conjugales, sexuelles, psychologiques, mariages forcés, mutilations sexuelles, harcèlement...). C'est gratuit et anonyme. Il propose une écoute, informe et oriente vers des dispositifs d'accompagnement et de prise en charge. Ce numéro est géré par la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF).

https://twitter.com/mmartinezrmc Maxime Martinez Journaliste RMC