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"Il veut à tout prix revenir dans la lumière": Bertrand Cantat compose pour un spectacle au sein d'un théâtre public et fait (encore) polémique

Bertrand Cantat est à l'origine de la musique d'un spectacle prochainement au théâtre national de la Colline à Paris. De quoi faire réagir la ministre de la Culture qui s'est étonnée de la venue de l'artiste, condamné à huit ans de prison pour le meurtre de Marie Trintignant, dans un théâtre entièrement subventionné par de l'argent public.

Une fois n’est pas coutume, les activités publiques du chanteur posent questions. Bertrand Cantat l’ex-leader du groupe Noir Désir, condamné en 2004 à 8 ans de prison pour la mort de Marie Trintignant, est à l’origine de la musique d’un spectacle prochainement au théâtre national de la Colline à Paris. Problème, ce théâtre est entièrement subventionné par de l’argent public. Ce qui a poussé ce lundi la ministre de la Culture Roselyne Bachelot à faire part sur France Inter de son "regret", de voir le chanteur invité par le théâtre.

Si elle assure que le président du théâtre ne doit pas être accusé de la moindre complaisance dans la lutte contre les violences sexistes, la ministre s’étonne d’une nouvelle collaboration entre les deux hommes qui se connaissent après un épisode similaire en 2011 à Avignon.

"Qu’il ait pu composer la musique d’une pièce cela ne me choque pas, c’est son métier et il a purgé sa peine", estime Thierry Moreau sur le plateau de "Estelle midi" ce lundi. "Mais que ce soit au sein d’un théâtre subventionné par de l’argent public, c’est choquant. Personne au ministère de la Culture ne s’est inquiété. Ce qui est choquant aussi c’est que Bertrand Cantat veuille à tout prix revenir dans la lumière", ajoute-t-il. "Il devrait se faire petit et composer sous un pseudo".

"Ce serait anormal que l’Etat se mêle de vérifier quel artiste a choisi un directeur de théâtre"

"C’est se demander s’il existe une culture d’Etat: l’Etat doit-il se mettre dans la production culturelle et contrôler ce qui est bien ou mal ? Par définition il y a une subvention de l’Etat sans droit de regard. Si on en venait à ce point-là, il y aurait une production étatique aussi problématique", estime de son côté l'économiste Pierre Rondeau. "Au-delà de la question de Bertrand Cantant je me pose une question : la culture doit être libre ou contrôlé étatiquement ? Si on le faisait, on se rapprocherait de ce que faisaient les dictatures dans les années 40. Et ce serait problématique", ajoute-t-il.

"On se représente un peu cette scène comme s’il l’avait poussé un peu trop fort. Il a tué Marie Trintignant en lui assénant 19 coups dont 7 à la tête. C’était un homme violent avec beaucoup d’autres femmes. Il a écrit une chanson sur Marie Trintignant pour jusqu’au bout rentabiliser le crime qu’il a commis", assène de son côté Fatima Benhomar, de l’association féministe les Effronté.es.

"Cela ne me choque pas. C’est le choix d’un metteur en scène et d’un directeur de théâtre. Ce serait anormal que l’Etat se mêle de vérifier quel artiste a choisi un directeur de théâtre. Il faut laisser un peu de liberté aux artistes", estime de son côté Pierre Mikailoff, journaliste et auteur de "Noir Désir, Bertrand Cantat : un destin rock". Il l’assure, Bertrand Cantat continue de travailler de manière discrète et sa carrière de chanteur est bel et bien terminée.

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A contrario, pour Yaël Mellul, avocate de Kristzina Rady et présidente de l’association "Femme et Libre", c’est toujours un choc quand Bertrand Cantat tente un retour dans la vie publique : "Tous les deux ou trois ans, on a le même débat", déplore-t-elle. Et elle estime que le volet judiciaire concernant Bertrand Cantat n’est pas clos :

"On parle d’un meurtrier. Il a purgé sa peine, les choses sont claires, que la peine ait été absolument ridicule parce qu'il n’a fait que 4 ans de détention, il n’en demeure pas moins qu’il l’a purgé. Mais il ne faut jamais oublier qu’il y a eu aussi la mort de sa femme Kristzina Rady, qui s’est suicidée ,manifestement, en 2010 trois ans à peine après la sortie de prison de Bertrand Cantat.
Et aujourd’hui on ne connaît toujours pas les circonstances de la mort de Kristzina Rady. Il était présent au moment de la mort de sa femme. Il y a dans son entourage deux femmes qui sont mortes. Si on considère que la justice est passée, il n’en demeure pas moins qu’on est face à un véritable problème de morale. Le temps n’efface pas la mort de ces femmes", ajoute-t-elle.

Faut-il alors interdire des artistes condamnés de se produire ? C’est ce qu’estime Fatima Benhomar notamment, rappelant que des dispositions légales de ce type existent déjà, notamment pour les pédo-criminels, interdits de travailler avec des enfants même après avoir purgé leurs peines.

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Guillaume Dussourt