RMC
Société

"Nettoyage social" avant les JO 2024: "On cache la misère sous le tapis" dénonce un collectif

placeholder video
Avant les JO 2024, le collectif Le revers de la médaille dénonce un "nettoyage social" à Paris avec des personnes sans-abris envoyées dans d’autres régions, mais sans moyens supplémentaires sur place.

A 52 jours du début des JO 2024, le collectif Le revers de la médaille dénonce dans un rapport un "nettoyage social" dans les rues de Paris depuis un an. "Ce rapport, ce n’est pas une attaque contre les JO, assure Paul Alauzy, coordinateur à Médecins du Monde et porte-parole du collectif Le revers de la médaille, dans Charles Matin ce mardi sur RMC et RMC Story. C’est plutôt une supplique pour les droits humains, pour le respect des droits fondamentaux."

"On a dénombré 12.500 personnes qui ont été expulsées cette année en Ile-de-France, détaille-t-il. Ce sont toutes les personnes que vous pouvez croiser à la rue ou en habitat précaire. Des personnes sans-abris, des personnes étrangères qui vivent sous des tentes ou dans des squats, des personnes identifiées comme Roms ou gens du voyage dans des bidonvilles, des personnes usagères de drogue ou travailleuses du sexe qui se retrouvent dehors… Il y a 12.500 d’entre elles, vraiment les gens les plus fragiles de notre société, qui se retrouvent expulsées. Il y a une dispersion dans l’espace public parisien pour qu’elles soient moins visibles et il y en a qui sont délocalisées dans d’autres régions."

Et parmi ces 12.500 personnes, "il y en a 5.200 qui ont été envoyés vers les dix sas régionaux", explique Paul Alauzy. Des départs vers d’autres villes qui doivent se faire avec le consentement des personnes concernées. "On dit que c’est du consentement mais c’est quand même particulier, souligne le porte-parole du collectif Le revers de la médaille. Il y a 200 CRS qui sont là, qui nassent les lieux et qui disent à quelqu’un: ‘L’endroit où tu vis, où tu as fait ton petit appart dans un bâtiment abandonné, tu le quittes. Soit tu montes dans un bus pour Orléans, Strasbourg ou Angers, soit tu dégages et tu vas dormir plus loin, tu trouves un autre pont où aller te réfugier’."

L'invité de Charles Matin : 12 000 sans-abris déplacés et expulsés hors de l'Île-de-France pour les JO - 04/06
L'invité de Charles Matin : 12 000 sans-abris déplacés et expulsés hors de l'Île-de-France pour les JO - 04/06
6:08

De nombreux sans-abris reviennent sur Paris

Sur place, loin de Paris, les conditions d’accueil sont encore précaires. "Il y a les moyens sur les trois semaines dans le sas, explique Paul Alauzy. Et encore, il y a des lieux où on nous a dit que si les gens touchaient un peu d’argent, type RSA, on ne leur donnait pas forcément à manger. On est en train d’enquêter là-dessus. Pendant trois semaines, ils ont un toit sur la tête, c’est mieux que la rue. Après trois semaines, 40% d’entre eux sont renvoyés dans des places ‘asile’, s’ils sont dans les bonnes cases administratives. Les autres, ils sont renvoyés vers le 115, l’hébergement d’urgence."

Mais la plupart des personnes déplacées prennent ensuite le chemin du retour vers la capitale. "Globalement, ils passent deux mois dans des structures d’hébergement d’urgence et après, pour beaucoup, ils reviennent à Paris parce qu’ils se retrouvent SDF dans des petites villes, où il n’y a pas les ONG, les communautés… Ils ne peuvent pas travailler au black, c’est moins facile. On en a plein qui nous disent qu’ils sont allés à Orléans ou à Strasbourg mais qu’ils sont revenus ici (à Paris)", indique le porte-parole du collectif.

"Mettre les moyens sur toute la France" pour accueillir les sans-abris

Pour Paul Alauzy, avant les JO 2024, "on cache la misère sous le tapis" mais les moyens manquent. "Faire la répartition de la solidarité sur tout le territoire, c’est une très bonne idée, souligne-t-il. On l’a fait pour les personnes ukrainiennes. Toute la population était prévenue, les élus locaux et les assos aussi, et on a mis les moyens parce que tout ça, ça coûte de l’argent. Là, on voit bien que c’est très opaque. Qu’il y ait des maires qui l’apprennent des semaines après, ce n’est pas normal. Et il n’y a pas eu le même élan de solidarité que pour les personnes ukrainiennes."

"L’urgence, c’est évidemment de mettre les moyens sur toute la France, ajoute-t-il. On ne demande pas que tout le monde se concentre en Ile-de-France. Si on envoie les gens dans un petit bled paumé, il faut qu’il y ait des moyens d’intégration. Laissons les gens travailler et donnons des cours de français aux gens. C’est ce que font tous nos voisins européens. On est le seul pays qui, pendant le temps de la demande d’asile, ne donne pas de cours de français et ne fait pas travailler les gens. Laissons les gens bosser. Les gens qui arrivent ici, ils sont souvent traumatisés, et ils amènent aussi des compétences avec eux, pas que de la misère. Ils savent faire plein de choses et on les laisse végéter deux, trois ans, jusqu’à ce qu’ils obtiennent les papiers. Ce n’est pas un monde pour eux, ce n’est pas tenable."

LP