"On n'est pas tous coupables": l'instauration d'un malus pour les "mauvais locataires" fait polémique à Compiègne

L'Agglomération de la Région de Compiègne (Oise) a adopté une mesure controversée pour classer les demandeurs de logements sociaux et se débarrasser des "mauvais locataires", assume le maire Philippe Marini. La municipalité a établi une nouvelle grille de notation, les dossiers les mieux notés arrivant en haut de la pile des commissions d'attribution. Un système avec des "bonus". Par exemple, +5 points pour les travailleurs dits "essentiels" ou pour "implication dans la vie locale". Et des “malus”. Par exemple, -10 points si un membre de la famille est reconnu violent ou en cas de "troubles du voisinage", -20 points si "un membre du ménage a déjà été expulsé pour troubles locatifs". Et -25 points si un membre de la famille a déjà été condamné ou expulsé pour trafic de stupéfiants.
C'est bien la première fois qu'elle serait d'accord avec le maire, plaisante Valérie. Elle habite depuis cinq ans dans un HLM de Compiègne.
“Il faut bien commencer par quelque chose. Parce que les parents laissent traîner leurs enfants jusqu'à je ne sais pas quelle heure... Le soir, il ne faut pas sortir”, pointe-t-elle.
Une crainte dont témoignent plusieurs personnes qui refusent de s'exprimer. "J'ai du trafic dans mon immeuble" s'excuse une habitante. “On fait tout ce qu’on peut pour les enfants, mais ils choisissent leur chemin”, nuance une autre. “Mettre un malus par rapport aux logements sociaux qui sont déjà difficiles à avoir, ce n’est pas bien parce qu'on n'est pas tous coupables”, assure-t-elle.
C'est une punition collective, abonde Nicolas. “Le risque, c’est que toute la famille se retrouve pénalisée financièrement et que s’il y a un gamin dans la famille qui veut s’en sortir, il n’y arrive pas à cause des conneries de son frangin”, déplore-t-il.
Des risques de favoritisme?
Les dossiers les mieux notés seront en haut de la pile, mais les autres pourront aussi avoir un logement, insiste Vincent Peronnaud, directeur général de l'OPAC de l'Oise, qui attribue les logements sociaux.
“On va recevoir une note et on ne saura pas ce qu’il y a derrière. Et je n’irai pas rechercher le passé judiciaire de la mère ou des enfants. On n’a pas le droit de le faire. Et une fois de plus, la cotation, ça ne fait pas une attribution”, appuie-t-il.
Mais pour Guillaume Aichelmann, chargé de mission logement social à l’association CLCV, ce système n’est pas bon, car il va engendrer des doutes sur des cas de favoritisme, ou des passe-droits.
“Si vous avez un bonus quand vous avez une implication dans la vie locale, ou que vous êtes un locataire sans difficulté, on va dire: ‘ah celui-là, il est dans ce cas là, il fait plaisir au maire’. Et là, il n'aura plus accès à un logement social. Je pense que tous les demandeurs ont envie d’une chose, c’est que le système soit juste et qu’il puisse y avoir une réponse à leurs demandes. On veut éviter des accusations mensongères ou problématiques. Parce qu’en ce qui concerne ces histoires de contrôle, quand vous avez juste un employé de mairie qui va prendre la décision, parce que c’est juste une validation manuelle, alors dans ces cas-là vous pouvez être certain qu’il y aura des passe-droits, des avantages en nature”, dénonce-t-il.
De son côté, le maire assume. "C'est une mesure sévère mais juste. Je défends les locataires respectueux contre le trafic", dit-il.