Paris: des mains rouges taguées sur le Mémorial de la Shoah et des façades

Des mains rouges taguées au Mémorial de la Shoah, à Paris, le 14 mai 2024 - ANTONIN UTZ / AFP
Des mains rouges ont été taguées sur le "Mur des Justes" à l'extérieur du Mémorial de la Shoah et sur plusieurs bâtiments du quartier historique juif à Paris, incitant les autorités municipales à saisir la justice mardi 14 mai 2024.
"Dans la nuit du 13 au 14 mai, des individus cagoulés ont dégradé le Mur des Justes ainsi que d'autres lieux du quartier", a affirmé dans un communiqué le Mémorial de la Shoah qui précise avoir déposé plainte.
"Des mains rouge-sang ont été peintes" sur ce mur où sont aposées des plaques listant les 3.900 hommes et femmes qui ont contribué à sauver des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, a détaillé le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) Yonathan Arfi dans un message sur X, dénonçant un acte "abject".
Les tags ont été découverts un peu avant 4H00 par des agents de sécurité du mémorial, a-t-on appris de source policière. Peints sur ce "Mur des Justes" qui se situe dans l'allée jouxtant le Mémorial, ils étaient en cours d'effacement mardi en fin de matinée.
Par ailleurs "une dizaine" d'autres lieux ont également été tagués dans le quartier du Marais, du "type écoles ou crèches", a affirmé Ariel Weil, le maire PS de Paris Centre, secteur qui regroupe les quatre premiers arrondissements de la capitale. Il s'agit de "lieux autour du Mémorial de la Shoah, dans le quartier traditionnel juif", a-t-il ajouté, précisant avoir "demandé à porter plainte pour tous les lieux".
La France restera "inflexible" face à "l'odieux antisémitisme"
Emmanuel Macron a dénoncé en fin de soirée "l'atteinte à la mémoire" des victimes de la Shoah et des Justes et promis une République "inflexible face à l'odieux antisémitisme".
"Dégrader le Mur des Justes parmi les Nations, barrage des Lumières contre le nazisme, c'est porter atteinte à la mémoire de ces héros comme à celle des victimes de la Shoah", a-t-il déclaré sur X. "La République, comme toujours, demeurera inflexible face à l'odieux antisémitisme", a-t-il ajouté.
"C'est très difficile, on est consternés", a affirmé sous couvert d'anonymat une femme de 60 ans rencontrée rue des Rosiers, en déplorant "du pur antisémitisme, du pur antisionisme".
La maire socialiste de Paris Anne Hidalgo, qui a condamné des "actes inqualifiables", a elle aussi indiqué avoir procédé au signalement à la procureure de Paris de ces actes "potentiellement constitutifs du délit d'injure publique à caractère antisémite".
Le symbole des "mains rouges" avait été au coeur d'une polémique fin avril lorsque des étudiants de Sciences-Po Paris avaient exhibé leurs paumes peintes en rouge devant l'école, comme un appel au cessez-le-feu dans la bande de Gaza selon eux. Mais plusieurs voix s'étaient élevées pour dénoncer une allusion au lynchage de deux soldats israéliens à Ramallah en 2000 par des Palestiniens.
"À tous ceux qui disaient que les mains rouges n'étaient pas un symbole antisémite (...), les voilà apposées sur le Mur des Justes", a écrit sur X la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot. La ministre chargée de la lutte contre les discriminations Aurore Bergé a dénoncé une "indignité absolue" et assuré que "nous ne nous laisserons jamais intimider face à l'antisémitisme". Cette dégradation intervient sur fond de flambée des actes antisémites (+300% à 366, selon le Premier ministre Gabriel Attal).
"Vandalisme antisémite"
Côté politique, le président LR du Sénat Gérard Larcher a déploré "une indignité antisémite de plus", et le président du Parti communiste français Fabien Roussel une "odieuse profanation".
L'émotion était vive au sein de la communauté juive qui a condamné ces tags, découverts le jour anniversaire de la "Rafle du billet vert" qui avait constitué la première arrestation massive de juifs le 14 mai 1941 à Paris.
Le Grand rabbin de France Haïm Korsia a dénoncé un "odieux outrage à la mémoire de millions de personnes mortes pendant la Shoah" et le Congrès juif mondial estimé dans un message sur X (en anglais) que ce "vandalisme antisémite" est "absolument honteux".
Pour l'Union des étudiants juifs de France (UEJF), ces tags viennent "relancer une polémique mortifère et surtout faire l'apologie de massacres de juifs". La Licra, elle, a estimé sur X que "provocation à la haine, opération de déstabilisation ou ingérence étrangère, les auteurs de ces souillures auront à répondre de leurs actes délictueux".
En octobre, la découverte d'étoiles de David taguées sur des immeubles en région parisienne avait fait craindre une contagion du conflit israélo-palestinien. Mais l'affaire, pour laquelle un couple de Moldaves a été interpellé, a au final été imputée par les autorités françaises à une opération pilotée par les services de sécurité russes (FSB).