Que sont devenus les migrants arrivés à Lampedusa, trois semaines après?

Les autorités françaises redoutaient une vague migratoire importante et avaient annoncé renforcer les moyens pour lutter contre ces arrivées. Trois semaines après le débarquement de plus de 6.000 migrants à Lampedusa, est-ce que cette vague migratoire est perceptible à nos frontières? La réponse n’est pas si simple: oui... et non.
Prenons le cas des Hautes-Alpes, qui héberge un point de passage important sur la route de Briançon: 390 interceptions à la frontière franco-italienne ont été répertoriées la semaine dernière, "c'est deux à trois fois plus que d'habitude", indique la préfecture à RMC. Associations et autorités sont débordées, à l'heure où 84 gendarmes et policiers ont pourtant été appelés en renfort.
Pour les associations, impossible de ne pas voir dans ces arrivées les premiers effets des débarquements mi-septembre à Lampedusa. Dans les faits, c'est difficile à dire: personne ne demande à ces personnes interceptées ou accueillies quel a été leur parcours précis. La seule chose que l'on sait d'eux, c'est qu'ils sont pour la plupart guinéens, ivoiriens, soudanais, et n'ont pas tous vocation à rester en France.
Cet afflux, il faut toutefois le tempérer: à la frontière entre Vintimille et Menton (Alpes-Maritimes), principal porte d'entrée migratoire, le nombre d'interpellations est, paradoxalement, en légère baisse ces deux dernières semaines. Avec 1.283 interpellations entre le 24 et 30 septembre, c'est 150 de moins que la semaine d'avant. Et ce, alors même que les contrôles ont été renforcés.
"La France n’est pas du tout le pays de destination principal"
Alors, où sont désormais ces migrants arrivés à Lampedusa à la fin de l'été? "Ils sont un peu partout, explique Delphine Rouilleault, directrice générale de France Terre d'Asile, dans 'Apolline Matin' ce vendredi sur RMC et RMC Story. Pour beaucoup, ils sont sans doute encore en Italie. Ce qui est certain, c’est que Lampedusa, c’est l’une des portes d’entrée de la migration en Europe. Beaucoup des demandeurs d’asile qui se présentent en France, en Allemagne, en Belgique, etc., sont passés par Lampedusa, puis par l’Italie, qui pour beaucoup les laisse filer. Les personnes se retrouvent un peu livrées à elles-mêmes et elles arrivent dans des pays comme la France. Et la France refuse très souvent d’instruire leurs demandes d’asile, en estimant qu’elles doivent retourner en Italie pour instruire leurs dossiers."
Mais selon elle, la France n'est pas le pays le plus touché. "Il y a une augmentation des demandes d’asile depuis le mois de janvier partout en Europe, souligne-t-elle. La France n’est pas du tout le pays de destination principal. En Allemagne, il y a une augmentation très forte des demandes d’asile, beaucoup rapide qu’en France. Ce sont des effets communautaires. Il y a beaucoup de Syriens qui sont arrivés, qui préfèrent aller en Allemagne parce qu’il y a une grosse communauté syrienne. A Paris, il n’y a pas de doublement en quelques jours des personnes à la rue à Paris. Il y a une augmentation significative et des opérations de mise à l’abri pour ne pas qu’elles passent trop de temps dehors."
Et pour Delphine Rouilleault, la priorité doit être de revoir la législation européenne, avec l'accord de Dublin qui impose d'instruire la demande d'asile dans le premier pays. "Tous les acteurs de terrain savent pertinemment la façon dont ça se passe. Le fonctionnement du règlement de Dublin est extrêmement contre-productif. On demande une modification profonde et surtout la suppression de la clause du pays de première entrée. Cela conduit des gens à l’errance. Si on retrouve dans les parcs parisiens en ce moment des personnes qui sont passées par l’Italie, c’est précisément parce qu’elles vont devoir attendre très longtemps avant de voir leurs demandes d’asile instruites par la France."