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Autriche, Danemark, Hongrie... Ces pays qui commandent des vaccins hors du cadre de l'UE

EXPLIQUEZ-NOUS - L'Autriche, le Danemark et Israël ont conclu des accords hier pour développer de futurs vaccins. Cela remet en cause la stratégie commune de l'Europe.

Deux pays européens ont décidé de faire bande à part. Le très jeune Chancelier autrichien Sebastian Kurz, 34 ans, et la jeune Première ministre danoise Mette Frederiksen, 43 ans, se sont rendus ensemble jeudi à Jérusalem. Ils ont été reçus par Benjamin Netanyahu, le Premier ministre israélien, champion du monde de la vaccination. Et les trois pays ont convenu de s’allier pour préparer les vaccins de la prochaine génération. Une alliance pour la recherche et pour la production.

Le Premier ministre autrichien a estimé que face aux mutations du virus et aux nombreux nouveaux variants qui vont arriver, l'Europe est trop lente. Il y a trop de goulets d'étranglement. Il ne veut plus dépendre uniquement de l’Union européenne. La Première ministre danoise a expliqué que cette alliance, ce n’était pas pour le court terme. C’est pour s’assurer de disposer d’assez de vaccins dans un an, dans deux, trois, cinq ou dix ans.

On a donc deux pays européens qui se préoccupent de la situation dans dix ans et qui se tournent vers Israël plutôt que vers Bruxelles. C’est un peu une gifle pour l'Europe…

La France a condamné cette initiative

Paris “déplore” ce projet d’alliance et dénonce une tentation de "sécession". Le ministère français des Affaires étrangères estime que le cadre européen est le plus approprié pour garantir la solidarité face à la pandémie.

Et c’est vrai que jusqu’à présent les 27 pays européens ont fait preuve de solidarité et de cohésion. C’était une première : ils ont décidé d’une politique d’achat commune pour garantir le meilleur prix, et d’une politique de distribution équitable pour garantir l’égalité de tous. Un riche banquier de Francfort, un industriel hollandais a exactement les mêmes chances d’accéder au vaccin qu’un paysan du fond du Portugal ou qu’un ouvrier polonais. C’est magnifique !

Sauf qu'actuellement le banquier allemand et le paysan portugais, ils sont surtout égaux face à la pénurie. Et ils ne sont vaccinés ni l’un ni l’autre. L'Europe a fait preuve de cohésion de solidarité mais pas d'efficacité.

Résultat : plusieurs pays européens se tournent maintenant vers les vaccins russes ou chinois

C’est la Hongrie qui a commencé en commandant à Moscou le vaccin Spoutnik V, puis en commandant à Pékin le vaccin Sinopharm. Lundi, le Premier ministre hongrois Viktor Orban s’est fait vacciner devant les caméras avec le vaccin chinois. Le pays a reçu 500.000 doses et en attend un million d'autres ce mois-ci.

Mardi, c’est le Premier ministre slovaque qui est allé personnellement à l’aéroport de Bratislava accueillir 200.000 doses de vaccin russe. La République Tchèque a commencé aussi a être livrée par les Chinois et les Russes. Le Premier ministre polonais vient de passer une commande en appelant directement le président chinois qui lui a dit oui. 

L'Autriche a également fait savoir qu’elle allait rapidement se fournir auprès de la Russie et de la Chine. En tout, ce sont donc 5 pays européens qui ont décidé de sortir de la stratégie commune européenne. 

Est-ce qu’ils en ont le droit ?

Oui ! Ces vaccins n’ont pas reçu l’autorisation de mise sur le marché de l’agence européenne du médicament. Mais les États membres de l'Union ont le droit de se passer de cette autorisation s’ils estiment qu’il y a urgence. Et c’est le cas. 

En l'occurrence les Chinois n’ont pas d’autorisation parce qu’ils ne l’ont même pas demandé, visiblement ce n’est pas leur problème. Ils fournissent déjà 73 pays dans le monde, la plupart gratuitement et ils n’ont pas jugé nécessaire de frapper à la porte de l'Europe.

Les Russes, en revanche, ont bien déposé une demande d’autorisation de mise sur le marché. Ils l’ont fait jeudi, et l'examen de leur vaccin a aussitôt commencé. Il sera donc peut-être un jour autorisé et pourquoi pas distribué en France.

Ce qui est sûr c’est que ce débat sur les pénuries, sur les lenteurs agite en ce moment toute l'Europe. Mais il faut relativiser. Il y a de bonne chance que ce soit un débat du mois de mars. Parce que dès le mois prochain ce sont des centaines de millions de doses qui sont attendues. On dira peut-être un jour que la stratégie européenne n’était pas si mauvaise…

Nicolas Poincaré (avec J.A.)