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Covid-19: pourquoi la situation à Mayotte est catastrophique

EXPLIQUEZ-NOUS - La situation sanitaire à Mayotte est en train de devenir hors de contrôle. Depuis le début de l'année, l’île a vu son taux de contamination multiplié par 17, avec une forte proportion de variant sud-africain.

"Le virus nous a échappé". Dominique Voynet, la directrice l’ARS-Mayotte l’avait annoncé il y a une quinzaine de jours, et le 101e département français fait maintenant face à un mur de nouvelles contaminations. Selon le dernier point épidémiologique de l'ARS le taux d’incidence est de 862 pour 100.000 habitants.

Plus grave encore, le variant sud africain y représente 90% des cas, et des patients de plus en plus jeunes sont touchés par des formes graves de la maladie. Dans ce désert médical où le seul centre hospitalier de l'île est en tension tous les jours de l’année en temps normal, le service de réanimation du docteur Renaud Blondé est à l’agonie. Il raconte dans le journal Le Monde comment son équipe fait face avec 16 lits de réanimation pour une population de 400.000 personnes.

Renfort du service de santé des armées qui a permis de rajouter 16 lits supplémentaires

Une organisation en flux tendu qui pousse les médecins à prendre en charge les patients au dernier moment avec toujours le risque d’intervenir trop tard. Ou d’en faire sortir du service trop tôt.

Avec le renfort du service de santé des armées qui a permis de rajouter 16 lits supplémentaires, l’afflux de patients a pu être contenu jusqu’à présent. Mais cette organisation a atteint ses limites.

Isolée, Mayotte essaie donc de trouver de trouver du soutien où elle peut c’est à dire : l’île de la Réunion. Chaque jour quatre patients COVID sont transférés vers les services de la Réunion. Et le voyage, décrit par Estelle Youssouffa, présidente du Collectif des Citoyens de Mayotte n’a rien d’une partie de plaisir.

Huit heures de transport attendent les patients choisis pour l’évacuation : en ambulance d’abord, puis en barge pour atteindre l'aéroport, et enfin les longues heures de vol. Tout cela dans des conditions extrêmement précaires où rien ne doit faire bouger la sonde respiratoire, ni les perfusions qui maintiennent en vie les patients.

Mais à La Réunion la situation commence aussi à se dégrader et l’île ne pourra pas accueillir beaucoup plus que les 48 patients déjà admis. En désespoir de cause, le SAMU de Paris travaille en ce moment sur une possible évacuation des patients vers la Métropole via un avion cargo.

Ce serait du jamais vu cela représente un voyage de vingt heures mais ce sera peut-être tout prochainement l’option de la dernière chance.

Les pompes funèbres mahoraises sont elles aussi débordées

Avec le durcissement des règles sanitaires la mise en bière est désormais obligatoire à Mayotte qui fait face à une pénurie de cercueils. Comme le rapporte la chaîne Mayotte la 1ère, il part en un week-end une vingtaine de cercueils autant qu’en six mois en temps normal.

D’ordinaire, la population à 99% musulmane de l’île enterre ses morts dans un simple linceul, le plus souvent dans le jardin de la famille, ce qui peut présenter des risques au moment de la manipulation du corps.

Mayotte est confinée depuis plus de 15 jours maintenant, c’était le 5 février dernier, alors pourquoi est-ce que le nombre de cas ne commence pas à redescendre ?

Le confinement est quasiment impossible à faire respecter à Mayotte. Dans ce département, le plus pauvre de France, un tiers des mahorais ne dispose pas d’eau courante et vit souvent à plusieurs générations sous le même toit. Des habitations en tôle, où la température monte très vite, et où glaner de quoi manger est une question de survie.

Enfin, même si ses frontières sont fermées en théorie, l’île doit aussi faire face à une immigration illégale hors de contrôle. Située à 70 km des côtes de l’ile Anjouan qui fait partie de l’archipel des Comores, Mayotte voit chaque semaine débarquer des dizaines de Kwassa, des navires de pêcheurs utilisés par les Comoriens pour faire la traversée.

Le confinement Mahorais était censé prendre fin le 28 février mais il n’aura jamais vraiment pu être appliqué avec efficacité.

Fabien Randrianarisoa (avec J.A.)