"Je veux disposer de mon corps": jugé trop permissif, le projet de loi sur la fin de vie divise

Le projet de loi sur la fin de vie arrive en première lecture à l'Assemblée nationale pour une durée de deux semaines. Son but est d’autoriser l'"aide à mourir" pour certains patients. Pour pouvoir en bénéficier, le patient doit être atteint d'une "affection grave et incurable en phase avancée ou terminale", être majeur, apte à manifester sa volonté de manière libre et éclairée, et présenter une souffrance réfractaire aux traitements ou insupportable.
Mais ce texte n’est pas celui voulu par le gouvernement. Il a été modifié en profondeur en commission parlementaire. Plus question de "pronostic vital engagé" maintenant, mais de "phase avancée ou terminale". De quoi élargir l’accès à l’aide active à mourir.
Cette nouvelle sémantique provoque des divisions au sein même de la majorité. "Le texte a besoin d’un équilibre majeur", appelle ce lundi sur RMC et BFMTV Catherine Vautrin, la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, opposé à la nouvelle version du texte justement. "Le patient doit être dans un état grave avec un pronostic vital engagé est très malade avec des souffrances que rien ne peut apaiser", insiste la ministre.
Pour l’avocat des Grandes Gueules Charles Consigny, la majorité a une vision de la société "bourgeoise, matérialiste et éloignée de toute forme de spiritualité". "Dans leur vision des choses, on débranche les vieux et les malades", juge-t-il, évoquant la gestion de la pandémie de Covid-19. "Ce sont des gens froids et métalliques", estime Charles Consigny qui plaide pour une "accession très restrictive" aux dispositifs de fin de vie.
"On a passé les limites du plaisir de la vie"
Médecin généraliste et ancienne urgentiste, Véronique, qui est atteinte d’un cancer très avancé avec des périodes très douloureuses mais sans engagement de son pronostic vital, se dit pourtant pour cet élargissement de l’accès à la fin de vie.
"Actuellement, le cancer avance rapidement alors que ce n’était pas prévu", témoigne-t-elle, se disant prête à s’auto-administrer la mort. "C’est une lourde responsabilité pour celui qui le fait, dans la mesure où le pronostic vital n’est pas engagé", explique Véronique, craignant la dégradation de son état et la souffrance.
"On ne se reconnaît pas, on ne peut plus rien faire, on a passé les limites du plaisir de la vie", ajoute la praticienne.
"Je vais décliner à petit feu"
Stéphanie, atteinte d’un cancer du sein infiltrant, se dit elle aussi favorable à cet élargissement. "J’ai des métastases, une atteinte cardiaque, des trous dans les os, j’ai été transfusée cinq fois et opérée", explique-t-elle aux Grandes Gueules, détaillant également le lourd traitement "à vie" qu’elle doit suivre.
Si son traitement fonctionne pour l’instant, elle l’assure, elle ne veut pas finir sa vie sous respirateur et veut pouvoir "partir" quand elle l’aura décidé, sans se "jeter sous un train".
"Je vais décliner à petit feu et je ne veux pas voir ça. Je veux avoir le droit de pouvoir disposer de mon propre corps et si ce n’est pas possible en France, j’irai en Suisse ou en Belgique", prévient-elle.
Pour la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs, c'est le texte le plus permissif au monde qui entre à l'Assemblée nationale. Pour France Assos Santé, "les malades ont enfin été entendus".