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Projet de loi sur la fin de vie: "Jamais, on ne m'a appris à tuer", s'inquiètent certains soignants

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Alors que le projet de loi sur la fin de vie fait son entrée à l'Assemblée nationale ce lundi, certains personnels de santé s'inquiètent des modifications effectuées sur le texte en commission.

Une aide à mourir pour la première fois en France? Après la consultation citoyenne et le débat en commission, le projet de loi sur la fin de vie arrive dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale ce lundi après-midi à 16 heures.

Un texte remanié en commission spéciale, loin des "équilibres" promis par Emmanuel Macron. Le principal changement porte sur les conditions requises: le "pronostic vital engagé à court ou moyen terme" a été remplacé par la notion d'affection "en phase avancée ou terminale".

La ministre de la Santé Catherine Vautrin s'est prononcée contre cette réécriture, tout comme la présidente de la commission Agnès Firmin Le Bodo et la rapporteure du texte Caroline Fiat, de la France Insoumise (aide-soignante de métier).

Des soignantes prêtes à quitter le service

Au sein du service de soins palliatifs de l'hôpital Curie à Paris, certaines soignantes sont soucieuses et préoccupées. "Ça chamboule beaucoup, cette idée de passer à un soin qui n'est pas un soin", s'inquiète Sandrine, infirmière qui suivra les débats à l'Assemblée.

"On discute beaucoup de ça. Il faut qu'on soit, justement, informés", ajoute-elle.

Des propos partagés par l'équipe emmenée par le docteur Stéphanie Träger: "Aujourd'hui, le texte de loi mèle medecins et infirmiers au coeur du protocole de mort."

"J'ai fait un serment d'Hippocrate, jamais on ne m'a appris à tuer", renchérit-elle.

Élodie, infirmière, accueille de nombreuses demandes: "La fin de vie, c'est l'ambivalence, un jour je veux mourir et le lendemain je veux vivre. Ce n'est pas possible, on ne peut pas demander à une loi de trancher dans ce sens-là".

"Les verrous ont sauté"

Depuis l'ouverture du débat autour de la fin de vie, les malades l'évoquent plus facilement avec le docteur Träger. "Il y a de plus en plus de patients qui me parlent de cette fin de vie très rapidement, en ayant finalement une souffrance psychique certaine mais aucun symptôme physique. S'ils n'étaient pas pris en charge par une équipe spécialisée, qu'est-ce qu'il adviendrait d'eux?", interroge-t-elle. Ici, si l'aide à mourir est légalisée, certaines soignantes se demandent même si elles continueront à exercer dans le service.

Pour la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs, c'est le texte le plus permissif au monde qui entre à l'Assemble nationale. "Au départ, ce texte nous avait été présenté comme une manière de répondre à des situations exceptionnelles de grande souffrance, auxquelles la loi actuelle ne répondrait éventuellement pas. Pendant les discussions de la commission spéciale, on s’est aperçu qu’il était question d’ouvrir le plus largement possible un nouveau droit à une mort provoquée. Et pour nous soignants, c’est quelque chose qui vient percuter de plein fouet les valeurs qui nous mènent à soigner les patients dont on a la charge", explique sa présidente, le Dr Claire Fourcade, sur RMC.

Les responsables de cultes se disent également inquiets, "beaucoup des garde-fous que le gouvernement avait proposés ont sauté" selon la Fédération protestante de France. De son côté, l'Église catholique estime que "les verrous ont sauté".

Caroline Philippe (avec T.R.C.)