Pic allergénique, augmentation du nombre de personnes allergiques… Que se passe-t-il?

Vous avez peut-être le nez qui coule en vous réveillant, la gorge qui brûle, les yeux qui grattent. Pas de doute, les allergies sont de retour. Et cette année, le phénomène est particulièrement intense. Les symptômes sont parfois même très graves, les passages aux urgences sont nombreux.
La quasi-totalité du territoire français est concernée par un niveau d'alerte élevé,selon le nouveau bulletin publié vendredi par le Réseau National de Surveillance Aérobiologique. "Vous auriez vu j'ai cru que j'allais mourir. Donc j'ai toujours ma bouteille d'eau et ma ventoline", lâche cette passante la voix encore enrouée.
"C'est un enfer à vivre. C'est-à-dire que ça fait bien un mois que je suis sous antihistaminique. Je pense que je vais prendre rendez-vous chez le médecin parce que j'ai de plus en plus de mal à respirer, notamment cette semaine", raconte cette femme au micro de RMC.
Le temps chaud et orageux, un cocktail irritant
Aux yeux de Madeleine Epstein, allergologue, la profusion de pollens est évidemment la raison de toutes ces réactions allergiques. Cette année, "il fait très chaud, très sec et donc les plantes s'en donnent à cœur joie pour proliférer et émettre des pollens en quantité astronomique."
En cause donc, les floraisons de saison, mais surtout ces derniers jours, les orages, comme l'explique Samuel Monnier. Ingénieur au Réseau national de surveillance aérobiologique (RNSA), il explique que "des vents forts ramènent les pollens des hautes couches de l'atmosphère vers le sol", et ce juste avant l'arrivée des orages.
"Ces pollens vont être en grande quantité dans l'air juste avant l'orage et en plus de ça, vient l'humidité qui est très forte avant les orages. Du coup, ces pollens se gorgent d'eau et éclatent au lieu de faire un grain de pollen entier", décrit Samuel Monnier, ingénieur au RNSA.
Ensuite, cela va créer "plein de petites particules allergènes qui vont malheureusement gêner beaucoup plus les allergiques et si elles sont inhalées, elles vont rentrer profondément dans les voies respiratoires."
Pour les allergiques, le seul répit intervient quand la pluie tombe et que le pollen est plaqué définitivement au sol. Mais ces asthmes d'orages, comme on les appelle, ont des symptômes lourds. Les patients affluent aux urgences, notamment en région parisienne, et les spécialistes sont débordés.
"On n'a pas les allergologues"
Le docteur Julien Côté, allergologue et vice-président de la Société française d'allergologie, raconte s'être fait la remarque avec ses confrères il y a peu.
"On en parlait entre nous la semaine dernière, et on s'est tous dit "Mais mon Dieu, qu'est ce qu'on est en train de vivre cette année? C'est atroce. On n'arrive pas à gérer nos patients", dit-il.
"On voit les crises d'asthme arriver depuis deux semaines et on sait qu'on a les armes thérapeutiques qu'il faut. Mais on n'a absolument pas le système de soins, on n'a pas les urgences qu'il faut, on n'a pas les maisons médicales qu'il faut, on n'a pas les allergologues", déplore le Dr Julien Côté, allergologue.
De plus, l'allergologue redoute déjà l'année 2024. "Ca va être pire que ce qu'on est en train de vivre là. C'est rien du tout par rapport à ce qui va arriver", s'alarme-t-il.
"Le plus dur est passé" pour ce mois de juin
Aujourd'hui, un Français sur quatre est allergique. Sur une vision de long terme, la situation pourrait empirer puisque près d'un Français sur deux pourrait être sujet à des réactions allergiques d'ici 2050.
"Ce sont deux facteurs qui vont s'additionner. Il y a des expositions aux pollens, mais il y a aussi la modification du système immunitaire qui est liée à énormément de facteurs. Et malheureusement, tout ça, ça va dans le mauvais sens. Davantage de réactions allergiques chez des gens qui auparavant, il y a 50 ans, n'auraient pas exprimé des allergies", anticipe l'allergologue Madeleine Epstein.
En attendant cet horizon 2050, les premières tendances d'une baisse d'un pic pollinique pour ce mois de juin sont en train d'être observées . "Le plus dur est passé", estime Samuel Monnier, l'ingénieur du RNSA.
Mais pour ceux qui sont encore sujets à des réactions allergiques, Madeleine Epstein conseille d'employer la méthode forte.
"J'en suis arrivé à dire aux gens : écoutez, mettez des lunettes de vélo, mettez le masque, il diminue quand même la quantité qui passe. Moins vous avez de contact avec les particules allergéniques, moins vous allez faire une réaction sévère. Ça, c'est mathématique !", conclut-elle.