
JULIEN DE ROSA / AFP
RER métropolitains, lignes rénovées… à quoi va ressembler la "nouvelle donne" ferroviaire
Le
Le chiffre est choc et décrit parfaitement la situation du train en France: en France, l’âge moyen des rails du réseau est de 29 ans. A titre de comparaison, celui de l’Allemagne est de 17 ans. Douze ans de différence, mais un gouffre en terme d'investissements et de conséquences pour les utilisateurs. Un rail plus vieux, c'est des ralentissements sur le réseau et les fameux "incidents d'exploitation".
"Nos voies ferrées sont deux fois plus vieilles qu'en Allemagne. Il faut les renouveler", expliquait ce samedi sur RMC David Valence, président du conseil d'orientation des infrastructures.
Il y a un an, en mars 2022, deux sénateurs, Stéphane Sautrel (LR) et Hervé Maurey (UC) ont rédigé un rapport sur l'état du rail Français. Leur constat est sans appel: "il est à la fois coûteux et peu performant." Sur la question du vieilissement du réseau, les deux élus explique que les acteurs du ferroviaire s'accordent "à dire qu'il faudrait consacrer un milliard d'euros de plus par ans à la régénération du réseau" et même, pour les deux sénateurs, porter l'effort à 3,8 milliards d'euros annuels contre 2,5 milliards aujourd'hui.
Un train qui valait 100 milliards
Un an plus tard, ils ont été entendus. La Première ministre Elisabeth Borne a présenté ce vendredi un "plan ferroviaire" d'envergure, basé sur un rapport du conseil d'orientation des infrastructures (COI). Sur les quatre prochaines années, jusqu'à la fin du quinquennat, l'État va augmenter le budget de 1,5 milliard d'euros par an "pour mettre un terme au vieillissement du réseau et le moderniser", c'est-à-dire remplacer les voies ferrées, renouveler la signalisation et numériser les postes d'aiguillage. Au total, d'ici 2024, 100 milliards d'euros qui seront mis par l'État pour le transport ferroviaire.
"Nous devons investir dans le développement du réseau", a indiqué Elisabeth Borne.
Une satisfaction pour le patron de la SNCF, Jean-Pierre Farandou puisque le montant total correspond peu ou prou à l'estimation des besoins qu'il avait lancé pour les quinze prochaines années: "Cette nouvelle donne pour des mobilités décarbonées intermodales avec le ferroviaire pour colonne vertébrale présentée ce matin par la Première ministre est une excellente nouvelle pour les Français, les voyageurs, les chargeurs et les territoires", a-t-il expliqué.
Pour financer ce plan, Elisabeth Borne entend trouver "des ressources complémentaires". Plusieurs secteurs " es plus émetteurs de gaz à effet de serre" seraient aussi mis à contribution comme l'aérien ou les sociétés d'autoroutes, voire la mise en place par certaines régions d'une écotaxe.
Le RER métropolitain: une révolution?
Ces mesures viennent dans la continuité de l'annonce d'Emmanuel Macron, en novembre dernier, du lancement de RER métropolitains. L'annonce initiale parlait de dix métropoles concernées, sans en faire la liste. Le rapport final liste onze projets: Strasbourg, Bordeaux, Grenoble, Nancy-Metz-Luxembourg, Lyon, Marseille-Toulon-Nice, Nantes-Rennes, Bâle-Mulhouse, Toulouse et Lille-Hauts-de-France. Onze projet de "Service express régionaux", appellation choisie par le COI, pour démarquer ces projets du réseau parisien et place l'objectif d'une "qualité de service" pour les usagers.

L'objectif à minima de ce projet est d'avoir une fréquence à l'heure de pointe de moins de 20 minutes d'attente et une heure maximum en heures creuses, tout en sachant que "bien souvent le trafic justifie des fréquences supérieures à ce niveau de base". Pour la très grande majorité des projets cités, le réseau SER s'appuierait sur le réseau existant, à l'exception du réseau lillois ou de gares nouvelles à Marseille et Rouen, pour avoir un impact foncier et environnemental limité.
Le patron du COI souhaite, via ce projet de RER métropolitains, casser la fracture entre "les métropoles et la France périurbaine":
"Depuis les petites villes qui sont à proximité des métropoles, et des moyennes villes, il faut donner la possibilité aux citoyens de se déplacer en transports en commun"
Pour se faire, ces SER métropolitains joueraient sur l'intermodalité des transports. Si certains réseaux seraient uniquement ferroviaires, d'autres seraient composés d'un mix entre le rail et des "car express", des "voies réservées",... pour "construire des réseaux de transport complets pour les Français".
"C'est lorsque nos concitoyens pourront trouver un transport en commun régulier, facilement accessible et fiable, qu'ils pourront réduire leur usage de la voiture", a expliqué Elisabeth Borne.
Pour concevoir ces nouveaux réseaux, la Société du Grand Paris (SGP) doit travailler en tandem avec SNCF Réseau. Le discussions avec les régions et les métropoles commenceront dès le mois de mars, pour retenir les projets à retenir et le calendrier, afin de disposer en juin d'une planification précise des investissements pour tous les modes de transport.
Le cas de la ligne POLT
Mais si ce projet de RER métropolitains est la tête de gondole de ce plan ferroviaire, les "petites lignes" ne seront pas en reste et seront les premières concernées par la rallonge pour le renouvellement des voies.
"Les RER métropolitains c'est la partie la plus visible du projet mais évidemment dans ces 100 milliards il y a des travaux dans tous les territoires" explique David Valence
Parmi les lignes qui souffrent de ce retard d'investissement, l'axe POLT (Paris-Orléans-Limoges-Toulouse) s'est transformé en véritable enfer, depuis quelques années, pour les usagers. Défaillance de matériel, givre sur les voies, problèmes techniques, pannes de locomotives et retards en cascade... la ligne qui traverse la France n'est pas gâtée. Fin janvier, un train a accumulé cinq heures de retard au total entre Toulouse et Paris. Quelques jours plus tard, un autre train a été bloqué quatre heures en gare de Châteauroux en raison... du givre. Des exemples qui ne sont pas isolés.
A cela, il faut ajouter les trains suspendus pour une durée indéterminée comme les Intercités au départ de Paris de 14h40 et 17h39, ou les quatre week-ends d'interruption totale de la circulation au mois de mai, dont trois pendant des ponts et des jours feriés. Quand on part de Paris pour prendre cette ligne, il faut aller à la gare d'Austerlitz, la moins fréquentée des grandes gares parisiennes, en travaux depuis... plus de dix ans et au moins jusqu'en 2027. Le ton est donné.
Sur le quai, Jade s'apprête à monter dans un train qui relie Paris à Toulouse. Elle est "un peu en colère". Son train n'ira pas jusqu'à sa destination finale: Cahors. "Il va y avoir un bus et pas de remboursement. Ce n'est pas la première fois que ça arrive. Je prends souvent ce train et c’est frustrant, il y a toujours du retard."
Le coupable du jour: le givre sur les rails. "Aujourd'hui c'est le givre? Ça me fait rire! On est en hiver... Les feuilles sur les voies, il pleut... c'est normal. S’ils avaient du matériel adapté ça fonctionnerait correctement" grince Christophe. Claire est une habituée du trajet et constate la même problématique: "soit c'est du retard, soit c'est un soucis sur la voie. Une fois on a dû faire demi-tour."
"Les voies sont mal entretenues. Avant de faire des trains qui vont vite, qu’ils s’occupent des voies"
Car là est le fond du problème. Depuis 20 ans, la SNCF investit massivement dans les lignes à grande vitesse au détriment du réseau Intercités, comme l'explique Gilles Dansart, journaliste et directeur de mobilettre: "Les difficultés que connait la ligne POLT sont très emblématiques de la façon dont le réseau ferroviaire classique a été négligé par la SNCF et l'Etat. Cela commence par moins de desserte, moins d'entretien... les voyageurs délaisse la ligne. Les chiffres sont mois bons et personne n'est content", explique-t-il.
Pour les usagers de la ligne, le plan ferroviaire permettra-t-il d'améliorer le quotidien? Jean-Claude Sandrier, président de l'association Urgence ligne POLT attend des précisions du gouvernement et notamment s'il y aura des rames en plus. En attendant, une réunion est prévue le 3 mars prochain à Limoges avec le ministre des Transports, Clément Beaune, et le PDG de la SNCF, Jean-Pierre Farandou.