"Il m’arrivait de ponctionner des milliers d’euros": les confessions du hacker Florent Curtet

Il est tombé dans la marmite quand il était petit. A l’âge où tous les enfants ou presque apprennent à lire et à écrire, Florent Curtet commence lui à "bidouiller" sur les ordinateurs, "vers 6-7 ans", préférant le codage informatique à la méthode syllabique. Guidé par sa curiosité, il découvrira ensuite les techniques des hackers, le deviendra, et se fera attraper un matin, au lever du soleil, au moment où il passait son bac. La CIA avait alors remonté le fil et demandé un coup de main à la police française pour mettre un terme aux agissements sur la toile du gamin du Val-de-Marne, au père ingénieur passionné d’informatique.
"Il y a des personnes qui vont préférer le foot, les jeux entre copains, raconte Florent Curtet (*) à propos de cette enfance devant les ordinateurs, dans ‘Apolline Matin’ ce vendredi sur RMC et RMC Story. Moi, je préférais me retrouver derrière cette machine qui permettait de plus s’amuser que de regarder simplement la télé. Je fais souvent référence à la télé parce qu’on n’avait que quelques chaines, alors que cet ordinateur permettait d’avoir un vrai programme et de le créer soi-même." Et les limites cèdent rapidement. "C’est un excès extrême de curiosité qui m’a fait aller un peu plus loin à chaque fois", avoue celui qui s’est mis à pirater des coordonnées bancaires au début de l’adolescence.
"A l’école, très sincèrement, c’était extrêmement ennuyeux"
"Vers 12-13 ans, j’ai commencé à tomber dans les tréfonds d’internet, explique Florent Curtet. A l’école, très sincèrement, c’était extrêmement ennuyeux. Je préférais passer mon temps dans le grenier, à avoir des lectures qui n’étaient peut-être pas celles d’un enfant de mon âge. Avant, dans les années 2000, il n’y avait pas de gestion des données bancaires saines. Lorsqu’on faisait un paiement en ligne, les données bancaires que vous entriez lors de votre achat était stockées en base de données. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, on ne peut pas avoir un site et stocker les données de ses clients." Arrivent alors sur son compte, des tas de dollars dérobés sur le net.
"Certains jours, il m’arrivait de ponctionner sur des comptes de riches Américains des dizaines de milliers d’euros, assure le hacker qui se dit désormais repenti. Ou alors, pendant une ou deux semaines, je n’avais absolument aucun besoin, aucune envie." Au lycée, c’est alors la belle vie. Les achats et les cadeaux pleuvent. "Certains étaient des stars parce qu’ils avaient un scooter, étaient ‘beau gosse’. Moi, j’ai peut-être joué de cela", admet-il. Sans peur des conséquences? "J’avais conscience que c’était une énorme bêtise mais je n’avais pas la notion de l’illégalité, au sens juridique du terme".
"J’ai vu en face de moi la personne que je voulais être"
Mais un jour, au lendemain d’une épreuve du bac, le réveil est brutal. Le cybercriminel est arrêté par la police, après une enquête des services secrets américains. "Ils ne pensaient pas tomber sur un gamin de 17 ou 18 ans, confie Florent Curtet. L’enquête a établi que j’étais très actif dans la communauté, mais je n’étais pas le leader. C’était une nébuleuse. Il n’y avait pas de chef au sens ‘mafia’ du terme." Ce stop est aussi révélateur. C’est de l’autre côté de la barrière que le spécialiste veut se retrouver.
"La conversion de mon activité s’est faite lors de mon arrestation, explique-t-il. J’ai été arrêté par une brigade spécialisée dans la cybercriminalité et j’ai vu en face de moi la personne que je voulais être plus tard. On parlait la même langue, ils étaient autant passionnés que moi. On avait peut-être 15 ans d’écart, mais je me suis dit: ‘C’est top, on peut en faire un métier’. J’ai saisi ma chance." Condamné à deux ans de prison avec sursis et 80 000 euros de dommages et intérêts par le tribunal des enfants, il a repris ses études, commencé à travailler, avant de créer sa société spécialisée dans la prévention des cyberattaques. Parmi ses clients, de grandes entreprises et… des services de police ou de renseignements.
(*) Auteur de "Hacke-moi si tu peux" (Le Cherche Midi)