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La tech au service du XV de France, mais une overdose de technologie dans le rugby?

On n’arrête pas le progrès… dans le tournoi des VI Nations! Dans sa chronique quotidienne sur RMC, Anthony Morel revient sur l’apport des nouvelles technologies dans le rugby. Mais certains pensent que l’ovalie est proche de l’overdose de technologie.

Avant le choc opposant l'Irlande au XV de France, à l’occasion du Tournoi des VI Nations ce samedi (15h15, en direct sur RMC), les Bleus sont toujours plus aidés par un gigantesque concentré de technologie afin d'optimiser au mieux les performances des joueurs.

C’est d'ailleurs, selon Fabien Galthié, l’un des atouts du XV de France, qui a permis aux joueurs français d’exceller ces dernières années. Le coach est d’ailleurs le premier à affirmer publiquement que la tech fait partie intégrante de sa stratégie.

Le rugby a été un sport pionnier dans l’exploitation du "big data". Ici, le fait d’exploiter une masse d’informations numériques permet d’optimiser les performances de l’équipe et d’éviter les blessures. Par exemple, cela fait longtemps que des balises GPS fixées dans le maillot, entre les omoplates, vont, pendant que le joueur est sur le terrain, analyser la vitesse, le positionnement, la distance parcourue, les accélérations, le rythme cardiaque…

Toutes ces données sont décortiquées, recoupées, pour connaître précisément l’état de forme des joueurs, voir à quel moment ils sont dans le rouge et surtout ne pas les pousser au-delà d’une certaine limite.

Au-delà des performances en match, la technologie se développe surtout à l’entraînement avec des caméras centrées sur chacun des joueurs, qui vont enregistrer les mouvements, les postures de chaque sportif. Certaines équipes utilisent même des drones qui filment les séances en haute définition, avant de décortiquer chaque séquence de jeu avec les joueurs… Une vraie production Netflix!

Une fois que toutes ces données ont été collectées, il faut évidemment les analyser. C’est le travail des data scientists, des éléments clés de l’équipe. Le XV de France, par exemple, travaille avec une société qui s’appelle SAS, spécialisée dans l’intelligence artificielle, qui a mis au point un moteur de recherche très spécifique. C'est une sorte de Google fait sur mesure. Il suffit de taper "renvois Pays de Galles" avec le nom de tel ou tel joueur, et l'utilisateur va obtenir sur son écran tout l’historique qu’il peut ensuite filtrer: à domicile ou à l’extérieur, match gagné ou match perdu… Intéressant pour optimiser l’entraînement et dessiner un plan de jeu!

Ce qui ne veut pas dire que c’est LA solution miracle à tout: "Ce ne sont pas les chiffres qui nous dirigent mais nous qui dirigeons les chiffres", souligne Fabien Galthié.

Un ballon connecté pour perfectionner les stats

Ce cru 2023 du Tournoi des VI Nations fait entrer la compétition dans une nouvelle ère. C’est une première, le ballon utilisé lors de ce tournoi est bourré de technologie… Une "smart ball" bardée de capteurs électroniques qui, du point de vue du spectateur ou même du joueur, est en tous points similaire à un ballon classique.

Mais du point de vue du téléspectateur, la donne est toute autre, puisque ce ballon va permettre de recueillir des statistiques très précises. Des capteurs électroniques permettent d’analyser sa position 20 fois par seconde et d’envoyer ces informations vers d’autres capteurs positionnées tout autour du terrain.

De cette manière, on peut suivre sa position en temps réel, au millimètre près, et analyser à la seconde chaque passe (vitesse de la balle, temps de transmission), le jeu au pied aussi, la vitesse du coup de pied, la distance depuis les poteaux de coin, etc... Des données qui permettent d’établir des statistiques joueur par joueur, mais aussi de comparer les joueurs, poste par poste. Mise au point par une entreprise qui s’appelle Sportable, cette technologie est un peu la tendance du moment. Lors de la Coupe du monde de football, au Qatar, une technologie similaire a été utilisée dans le ballon officiel. Seul problème de ces ballons électroniques: il faut bien penser à les recharger!

Le rugby en overdose technologique?

Si l'apport de ces nouvelles technologies ne semble être que bénéfique, trop de technologie tue le sport pour certains. Le problème, c’est qu’à force de tout "technologiser", de vouloir tout mettre en graphiques et en chiffres, de tout quantifier, le sport serait en train de se transformer.

On le rend mécanique, on supprime une partie de l’instinct et de l’émotion. D'ailleurs, une étude britannique, qui se base sur des témoignages de sportifs, montre par exemple que certains joueurs n’osent plus prendre de risques sur le terrain de peur de faire baisser leurs statistiques individuelles en se faisant saquer par le logiciel.

Le rugby serait même en train de se transformer en sport... individuel. Beaucoup de joueurs pensent d’abord à améliorer leurs statistiques, de manière obsessionnelle, plutôt que de penser en termes de collectif.

Certains se plaignent aussi d’une culture du "Big Brother". On mesure à chaque instant leurs performances physiques, leur rythme cardiaque, leur sommeil, leur poids. Un suivi au millimètre qui met une pression énorme sur les épaules des joueurs. Et ça ne s’arrête pas au rugby. On peut faire le même constat pour le football et plein d’autres sports. Si on regarde du côté des Etats-Unis, le sport professionnel est même devenu une science.

Anthony Morel (édité par Alexis Lalemant)