Une IA qui détecte quand... un homme politique ment

Imaginez un débat politique ou une interview où chaque phrase prononcée se verrait attribuée un score d’authenticité par une intelligence artificielle spécialement entraînée pour ça. L’outil s’appelle Speech Craft Analytics. Il a récemment été utilisé pour analyser le débat des candidats républicains à la prochaine élection américaine et la sincérité des futurs présidentiables.
Concrètement, c’est une intelligence artificielle qui analyse toutes les subtilités de notre voix, et capable de "détecter des caractéristiques qui sont imperceptibles à l’oreille humaine". Au cours d’une émission de télé, l’IA est capable d’analyser non seulement les mots, le vocabulaire utilisé, ce qu’on appelle le NLP, natural language processing (par exemple, utiliser des formules alambiquées pour dire une chose simple, ce n’est jamais bon signe). Mais aussi et surtout, la façon de le dire.
Les micro-hésitations, le ton et le timbre de la voix, qui monte très légèrement dans les aigus, la cadence des mots qui accélère un tout petit peu. Autant de marqueurs qui peuvent montrer une forme de tension ou d’anxiété, surtout quand on compare plusieurs discours de la même personne, pour voir les différences.
Ce n’est pas parfait mais l’IA avance à pas de géants. La preuve, c’est que cet outil est de plus en plus utilisé dans le domaine de la finance. Notamment pour tester la sincérité des patrons de grandes entreprises lorsqu’ils présentent leurs résultats aux analystes financiers. Est-ce qu’il nous dit vraiment tout ce qu’il sait ? Est-ce qu’il est si sûr que ça de la nouvelle orientation stratégique qu’il est en train de nous présenter ?
Possible de tromper la machine?
Parmi les autres applications vantées par le fabricant du logiciel, les journalistes peuvent s’en servir s’ils ont des doutes pendant une interview ; des juristes, pour tester la fiabilité d’un témoin ; ou encore des compagnies d’assurance qui soupçonnent une tentative de fraude. Pourquoi pas à terme analyser la voix de son conjoint si on a un doute sur sa fidélité ? Les applications vont très loin.
Ca veut dire qu’il va falloir apprendre à mentir à la machine, trouver des stratégies qui permettent de tromper les algorithmes -et ils existent. D’ailleurs l’entreprise qui commercialise ces outils est très ingénieuse, puisque sur son site internet, elle précise que son produit se destine aussi bien aux "analystes financiers pour détecter le scepticisme lors des présentations de résultats" que pour les directions d’entreprise, pour "améliorer leur présentation de résultats et projeter de la confiance aux actionnaires" : autrement dit, ils apprennent aux patrons à déjouer leur propre logiciel.
Vendre le poison et l’antidote… Plutôt malin.
Si on ajoute l’analyse du visage de la personne qui parle, les résultats sont encore plus spectaculaires
Là aussi, notre corps nous trahit. On sait qu’une bonne partie de la communication est non-verbale, par les gestes, les expressions du visage… Et ça aussi l’IA est capable de le détecter.
On commence d’ailleurs à s’en servir, notamment dans le domaine du recrutement. Des outils comme Hirevue, une caméra couplée à un algorithme qui vont, lors d’un entretien d’embauche, scruter vos moindres mimiques: est-ce que vous froncez les sourcils, est-ce que vous avez le regard fuyant.
En 15 minutes de vidéo, le logiciel récolte 25.000 points d’analyse, il combine le tout et il donne son évaluation, une note de 1 à 100, en comparant avec les autres candidats.
D’autres outils, comme Converus, vont aller chercher dans vos yeux des choses imperceptibles pour l’œil humain. Les micromouvements des paupières. En fait, tout part du principe que d’un point de vue de l’expression corporelle, il est beaucoup plus difficile de mentir que de dire la vérité, et que le mensonge se manifeste toujours de façon physique, même si c’est presque imperceptible.
L’entreprise se vante d’un taux d’exactitude de 86%. Et la technologie intéresse beaucoup le gouvernement américain : elle est testée par l’administration, les douanes notamment ou encore dans les entretiens d’embauche de certaines ambassades.