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Alimentation

Chair de poisson, colorant, amidon... Que contient vraiment le surimi?

Un employé de l'entreprise "Comaboko" travaille, le 05 mars 2004 à Saint-Malo, sur une machine à formater des bâtonnets de surimi.

Un employé de l'entreprise "Comaboko" travaille, le 05 mars 2004 à Saint-Malo, sur une machine à formater des bâtonnets de surimi. - AFP PHOTO/MARCEL MOCHET MARCEL MOCHET / AFP

Le surimi est un aliment ultra-transformé particulièrement apprécié des Français. Mais de quoi est-il vraiment composé? Est-il aussi chimique qu’on le pense? RMC Conso a interrogé deux spécialistes de l’alimentation pour faire le point.

Certains l’aiment, d’autres le détestent. Le surimi, produit qui se présente sous forme de petits bâtonnets au goût de poisson, est arrivé dans nos rayons au cours des années 1990. Il s'est fait une place dans les réfrigérateurs des Français, puisque près de 43.135 tonnes ont été vendues rien qu'en 2022, selon les chiffres de FranceAgriMer.

Les détracteurs du surimi l’accusent souvent d’être fabriqué à base de déchets de poisson et d’additifs en tout genre. RMC Conso a donc démêlé le vrai du faux en interrogeant deux spécialistes de l’alimentation: Pauline Beriot, diététicienne et Anthony Fardet, chercheur en alimentation préventive et auteur de l'ouvrage Halte aux aliments ultratransformés! Mangeons vrai, aux éditions Thierry Souccar.

Quel pourcentage de poisson?

Le surimi est originaire du Japon, où il est baptisé "kamaboko", ce qui signifie littéralement "chair de poisson". Mais ce produit, tel qu’il est consommé aujourd’hui en Occident, a largement été modifié par les industriels. Ils ont notamment réduit la quantité de chair de poisson initialement présente dans la recette.

En effet, la plupart des bâtonnets qu’on retrouve dans les rayons ne contiennent qu’entre 28 à 46% de chair de poisson. Les "Moelleux" de Fleury Michon, vendus 10.30 euros le kilo, en contiennent 38%, les "Suprêmes" de Coraya, vendus 24,29 euros le kilo, 46%, et les "bâtonnets saveur crabe", du rayon discount d’Auchan commercialisés 3.62 euros le kilo, 28.9%. Pour pouvoir utiliser la mention "surimi", les bâtonnets doivent contenir au moins 30% de chair de poisson, comme l’impose la norme volontaire NF V45-068.

Pour fabriquer la préparation à surimi qui est ensuite transformée en fine couche de pâte cuite à la valeur et enroulée en bâtonnets, les industriels ajoutent essentiellement de l'eau, de l'amidon, du sucre, du sel et parfois quelques additifs. Mais ce n’est pas tout, puisqu’ils incorporent aussi des agents "cosmétiques" qui donnent du goût, de la couleur et de la texture au produit final.

"Le surimi contient au moins un marqueur d’ultra-transformation, comme des texturants, des modificateurs de goût, des colorants et des arômes", explique Anthony Fardet, chercheur en almentation préventive.

En effet, si la plupart des surimis ont le goût de crabe, il n’en contiennent en réalité que l’arôme. "Il n’y a pas du tout de crabe dans le surimi, car c’est un ingrédient qui coûte assez cher", prévient la diététicienne Pauline Beriot.

Ceux des marques Coraya et Fleury Michon contiennent des "arômes naturels" de crabe ou de crustacés. En revanche, ceux du rayon discount d’Auchan présentent non seulement des arômes, mais aussi du glutamate monosodique, un exhausteur de goût.

"Aucun intérêt nutritionnel"

La plupart des surimis présentent de la chair de poisson comme premier ingrédient. C’est notamment le cas des produits Coraya et Fleury Michon. Mais cette dernière n’arrive qu’en deuxième position dans les surimis discount, juste derrière l’eau.

La composition de la chair de poisson utilisée peut varier d’une marque à l’autre. Fleury Michon utilise du colin d’Alaska, du merlu blanc péché en Pacifique Nord-Est/Nord-Ouest ou du lieu noir péché en Atlantique Nord-Est. La marque Coraya mentionne quant à elle l’utilisation de colin d’Alaska et/ou de Merlu du Pacifique.

"Mais même s’ils sont composés de chair de poisson, les surimis n’ont pas la même qualité nutritionnelle qu’une portion de poisson classique. En réalité, ce produit n’a aucun intérêt nutritionnel", affirme la diététicienne.

La spécialiste pointe également du doigt l’impact environnemental de cette chair de poisson. "Ça vient de loin, donc l’impact est forcément mauvais", explique-t-elle.

Par ailleurs, dans une enquête sur le poisson qui a passé au crible 14 références de surimi, 60 millions de consommateurs révèle que "la transparence sur les espèces utilisées, leurs provenances et le mode de pêche est quasi nulle". Cette impossibilité de localiser avec exactitude la provenance des poissons qui composent le produit constitue un motif suffisant pour que l’ONG WWF considère le surimi comme un produit "à éviter".

Un produit "créé de toute pièce" par les industriels

Selon Anthony Fardet, le surimi est même "l’emblème de l’ultra-transformation", puisqu’il s’agit d’un produit "créé de toutes pièces par l’industrie agro-alimentaire".

"Un produit ultra-transformé est un aliment qui contient au moins un marqueur d’ultra-transformation, donc des agents cosmétiques qui modifient le goût, l’arôme et la texture. Il s’agit aussi bien de colorants, d’arômes, de modificateurs de goût et de texturant. Ce sont des marqueurs qui modifient l’aspect et le goût pour que le produit se vende mieux", détaille le spécialiste.

En effet, dans la plupart des surimis vendus en grandes surfaces, dont les Coraya, les Fleury-Michon et les bâtonnets discount commercialisés par Auchan, on retrouve des arômes de crustacés pour le goût, de l’extrait de paprika pour la couleur, et de l’amidon, un des composants de la farine, pour la texture.

"L’amidon permet d’utiliser moins de chair de poisson tout en donnant de la texture au produit. Il a une fonction cosmétique, mais améliore aussi la rentabilité des fabricants", ajoute-t-il.

Par ailleurs, si les produits Fleury Michon et Coraya ne contiennent pas d’additifs, ça n’est pas le cas des "bâtonnets saveur crabe" du rayon discount d’Auchan.

"Il contient du sorbitode, qui a une fonction d’exhausteur de goût, mais aussi du diphosphate et triphosphate, qui sont des agents de texture qui peuvent être des perturbateurs endocriniens", alerte Pauline Beriot.

À consommer avec modération

Si les experts sont clairs sur le fait que le surimi ne présente aucun intérêt nutritionnel, ils ne proscrivent pas non plus sa consommation.

"On peut en manger à l’occasion, mais il faut garder en tête que ça n’est pas un produit qu’on recommande en consommation courante", insiste la diététicienne.

En effet, alors que certaines personnes peuvent être tentées d’en faire un allié régime en raison de son faible apport calorique, l’experte rappelle que "le surimi n’est pas un produit sain". Elle explique également qu’elle n’est pas sûre que ce dernier "apporte une bonne satiété".

Par ailleurs, selon la spécialiste de l’alimentation, le surimi reste un produit "assez salé aux 100 grammes". Elle appelle les consommateurs à privilégier les produits bruts et "transformés maison".

Sabrine Mimouni