Chips, gâteaux... Le nouveau système de consigne testé par Carrefour et Super U va-t-il s'imposer?

Des bouteilles de verre retournées pour réemploi (illustration) - Lionel BONAVENTURE / AFP
Depuis quelques années déjà, rapporter des bouteilles en verre consignées en supermarché est redevenue une habitude pour certains. Cet usage, fréquent jusqu'au début des années 1990, avait disparu avec l'avènement du plastique mais se refait une place, petit à petit, dans notre routine.
Fini le paquet de chips, place au seau en plastique. Dès le 7 juin 2024, Carrefour et Super U ont souhaité aller plus loin dans leur démarche de réemploi des emballages en revisitant les codes des packaging de leurs produits.
L'expérimentation, baptisée "Rapportez-moi pour réemploi", est une boucle de réemploi assurée par R3PACK, un consortium européen de 25 partenaires représentant toute la chaîne de valeur agroalimentaire et sous la houlette du cabinet (RE)SET, spécialisé dans la transition économique et environnementale.
Elle s'inscrit également dans le cadre de la loi Agec qui a fixé un objectif de 10% d'emballages réemployés d'ici à 2027.
"Réutiliser nos emballages est un incontournable pour sortir des emballages à usage unique", affirme à RMC Conso Sylvie Vaissaire, directrice qualité, sécurité, sociétal et environnement à la Coopérative U.
Comment ça marche?
Le dispositif a été mis en place dans 15 magasins Carrefour situés dans l'Est et quatre magasins de la Coopérative U dans le Nord.
En rayons, vous retrouverez ce type d'emballage sur près de 18 références, à la fois de marques nationales et de distributeurs, et sur une variété de produits: biscuits apéritif, salades préparées, fromage blanc, gâteaux, mayonnaise, huile d'olive, sirops, jus de fruits, cidre etc.
Cette possibilité vous est toutefois seulement proposée, et non imposée. Se tourner vers des emballages de réemploi reste un choix entre vos mains.
"Le consommateur peut complètement faire un choix éclairé. Il est face à l'emballage classique du produit, mais aussi celui réutilisable. Les prix d'achat sont les mêmes. Les clients n'ont que la consigne du contenant à avancer", détaille Sylvie Vaissaire.
Le montant de la consigne est compris entre 10 et 80 centimes, selon les produits. Une fois que vous avez consommé votre produit et qu'il est vide, vous le rapportez en magasins et vous l'insérez dans un collecteur.
"La force de ce système, c'est l'interopérabilité. Le consommateur achète un produit chez Super U et peut le rapporter dans un magasin Carrefour", souligne-t-elle.
En retour, vous obtenez un bon d'achat égal au montant de la consigne à dépenser dans le magasin ou un virement directement sur votre compte bancaire. Ensuite, les emballages sont lavés et de nouveau remplis (du même produit ou d'un produit différent).
De nombreux signes encourageants
Même si elle est encore en phase de test, cette expérimentation montre déjà des signes positifs. D'abord, sur le seau universel en plastique.
"C'est différent d'un sachet et c'est mieux pour la conservation des produits. Le consommateur peut ouvrir ce seau, le refermer et l'utiliser plusieurs fois. Il y a un vrai bénéfice", analyse auprès de RMC Conso Bertrand Swiderski, directeur RSE chez Carrefour.
Sur le système en lui-même, "les machines sont simples d'utilisation et vous récupérez votre argent de la manière de votre choix, poursuit-il. Il y a un côté ludique d'être recrédité de vos achats." Le parcours du client est ainsi facilité.
De plus, ce dispositif de consigne s'inscrit dans une véritable tendance de consommation. "Le consommateur est déjà habitué à revenir en magasin pour rapporter de l'électroménager par exemple, et il est aussi de plus en plus sensible à la seconde main. Le réemploi mérite vraiment de devenir un geste de consommation", explique le directeur RSE de Carrefour.
Enfin, ce projet avec R3PACK est un avant goût et un accélérateur de la démarche ReUse, impulsée par Citeo, une entreprise spécialisée dans le recyclage des emballages. Celle-ci sera mise en place à partir du mois de mai dans près de 750 magasins en France. L'objectif, aller vers une généralisation du réemploi à l’échelle nationale.
Outre les deux distributeurs Carrefour et Super U, pas moins d’une quinzaine d’industriels sont engagés dans le test, ce qui est plutôt encourageant.
Quelques limites
Pour les contenants en verre, la Coopérative U indique un taux de 50% de retours dans la région Ile-de-France. Pour Carrefour, c'est 60 à 80% de bouteilles en verre qui sont retournées en moyenne.
"Ce n'est pas un carton plein, mais en terme de consigne, c'est le verre qui marche le mieux. Nous avons une vraie clientèle fidèle, et certains le réclament", indique Bertrand Swiderski.
Après quelques mois de test pour les nouveaux contenants en plastique, les deux enseignes affichent 20 à 30% de retours. "Ces chiffres ne sont pas bons, car l'objectif c'est que nous soyons à 100%", lâche-t-il.
Plusieurs raisons peuvent l'expliquer, notamment le blocage psychologique des consommateurs de rajouter de l'argent à chaque produit acheté ou encore la logistique à prévoir pour ramener les contenants en magasin.
"Le montant de la consigne n'est pas arrêté et nous y travaillons. Par ailleurs, pour plus de transparence, nous allons bientôt l'apposer sur les emballages", annonce le directeur RSE de Carrefour.
De plus, l'expérimentation reste menée à une échelle encore limitée: moins d'une vingtaine de magasins et sur moins d'une vingtaine de références.
"Les points de vente sont concentrés dans le Nord et l’Est de la France, parce que la culture de la consigne y est plus présente qu’ailleurs", avait rappelé sur son site Olivier Dauvers, spécialiste de la consommation.
Ainsi, "il y a toute une éducation à mener, assure Sylvie Vaissaire. La transition environnementale ne va pas se faire sans efforts du consommateur, c'est le collectif qui va propulser la démarche."