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Chocolat Dubaï Style: faut-il vraiment craindre une pénurie de pistaches?

En France, il existe près de 500 hectares de pistachiers.

En France, il existe près de 500 hectares de pistachiers. - Syndicat France Pistache

Les tablettes de chocolat Dubaï Style ont rencontré un succès mondial, au point que les stocks de pistaches commencent à s'épuiser. Mais peut-il y avoir une vraie pénurie? RMC Conso vous explique.

C'est probablement la plus grosse tendance alimentaire de ces derniers mois: les tablettes de chocolat au lait Dubaï Style, fourrées à la crème de pistache et aux cheveux d'ange. Comme son nom l'indique, le chocolat vient des Émirats arabes unis et a été créé par une chocolatière anglo-égytienne en 2021 à travers sa marque Fix Dessert Chocolatier.

Ce n'est que fin 2023 qu'il a été repéré par une influenceuse, Maria Vehera, qui a publié une vidéo de dégustation du chocolat sur son compte TikTok. Rapidement, la vidéo cumule près de 120 millions de vues.

Et c'est à partir de là que le succès s'est enclenché, au point que des industriels comme Lindt, des acteurs de la grande distribution comme Carrefour, Leclerc, Intermarché, Lidl ou encore Franprix, et même des magasins discount comme Normal ou B&M surfent sur la vague.

Résultat des courses: au vu de l'ampleur de cette tendance inattendue, le marché se retrouve perturbé. Mais faut-il vraiment craindre une pénurie de pistaches?

"Du monde à court d'approvisionnement"

De nombreux éléments montrent une situation mondiale tendue autour des pistaches et un risque potentiel de pénurie de ce fruit sec.

D'abord, il faut avoir en tête l'état du marché de la pistache. Plus de 90% de la production se répartit entre les États-Unis (43%), la Turquie (33%), et l’Iran (17%), selon le département de l’Agriculture américain.

Avec cette tendance du chocolat Dubaï Style, la demande des consommateurs a fortement augmenté, tandis que les récoltes ont diminué, notamment dans le premier pays producteur et exporteur. Entre 2023 et 2024, les récoltes ont été 25% moins importantes aux États-Unis. Et les hausses de production dans les autres nations du podium n'ont pas suffi à limiter cet écart.

"Il n’y avait pas beaucoup d’offres, donc quand le chocolat de Dubaï arrive et que les chocolatiers achètent tous les grains qu’ils trouvent… cela laisse le reste du monde à court d’approvisionnement", explique au Financial Times Giles Hacking, spécialiste du marché des fruits secs chez CG Hacking.

De plus, les pistaches américaines récoltées cette année étaient de meilleure qualité que d'ordinaire, entraînant une réduction de la quantité de pistaches bon marché et décortiquées, celles vendues pour les préparations industrielles comme le chocolat.

De quoi tendre les chaînes mondiales et faire augmenter les prix. Le cours de la pistache a augmenté en passant de 7,65 dollars la livre (environ 15 euros le kg), il y a un an, à 10,30 dollars la livre (environ 20 euros le kg) aujourd’hui.

Une pénurie à nuancer

Pour autant, il faut être prudent avec le terme de pénurie. "Beaucoup crient vite à la pénurie, il y a souvent des spéculations autour des matières premières pour faire augmenter leurs prix", pointe à RMC Conso Émilie Fiorito, secrétaire du syndicat France Pistache.

Par ailleurs, "la plupart des pays producteurs de pistaches, notamment les États-Unis et l'Espagne qui débute, pratiquent des cultures intensives et sortent de gros volumes. Donc, je pense réellement qu'ils ont des réserves", poursuit-elle.

Il faut par ailleurs bien distinguer les pistaches destinées à une consommation apéritive de celles qui ont vocation à servir dans des préparations type chocolat de Dubaï.

"75% des pistaches sont ouvertes et elles sont valorisées en snacking, en pistaches apéritives. Sur celles-ci, il n'y a aucun souci à se faire et il n'y a pas de pénurie en perspective", assure la secrétaire du Syndicat France Pistache.

En revanche, "25% des pistaches ont la coque fermée et elles servent notamment à la fabrication de pâte à pistache. Plus rares, ce sont elles qui pourraient subir une pénurie", ajoute Émilie Fiorito.

Européenne, voire Française

C'est dans ces moments de crise qu'il faut, selon la secrétaire du Syndicat France Pistache, peut-être questionner nos modes de consommation: elle suggère de privilégier les pistaches européennes.

"Cette situation va permettre de réequilibrer le marché, en faveur de l'Espagne notamment. Comme le prix augmente, la pistache et la main d'oeuvre seront plus valorisées", assure-t-elle. Ou, encore mieux, la pistache française et bio.

"Comparé aux autres pays, en France, il y a des réglementations drastiques en matière de santé et d'environnement. La pistache française est de meilleure qualité. C'est une production résiliente avec de l'engrais organique et non chimique, et sans résidus de pesticides", détaille Émilie Fiorito.

D'ailleurs, comme il s'agit "d'une production infime de 800 kilos par an, ce moment de crise n'aura pas d'impact sur le prix de la pistache française". Raison de plus.

La France possède 500 hectares de pistachiers (Provence-Alpes-Côte d'Azur, Occitanie), mais ambitionne déjà plus. "Les vergers sont actuellement en pleine floraison. Nous serons fixés à la fin du mois de mai. La production va être potentiellement multipliée par trois cette année", conclut la secrétaire du Syndicat France Pistache. À plus long terme, celle-ci pourrait peut-être s'imposer dans le paysage mondial.

Emma Forton