Coût, saveur, temps de préparation: brasser soi-même sa bière vaut-il la peine?

Le bière est la boisson alcoolisée préférée des Français, selon le dernier baromètre Sowine. Avec plus de 10.000 références vendues par quelque 2.500 brasseries, le choix est vaste même si le marché est largement dominé par trois mastodontes, AB InBev, Heineken et Carlsberg.
Les années 2000 ont vu apparaître le phénomène des microbrasseries, venues satisfaire une volonté grandissante de consommer local et artisanal. Dans les années 2010, la tendance du fait-maison a quant à elle fait naître les kits à bière, des ateliers de brassage à réaliser chez-soi.
Démocratiser le brassage
Brasseurs passionnés souhaitant partager leur amour du malt et du houblon au plus grand nombre, mais aussi grandes enseignes à l'instar de Nature et Découvertes (qui appartient au groupe Fnac Darty), ils sont aujourd'hui une dizaine à se partager le marché. Selon Kevin Berthomé, responsable de l'équipe brassage de l'entreprise "mon kit à bière" contacté par RMC Conso, l'objectif de ces kits est de "démocratiser le brassage".
Une expérience qui était officiellement réservée jusqu'en 2021 aux professionnels, puisqu'il est interdit de produire de l'alcool sans payer de taxe, et que le brassage de la bière à la maison se trouvait alors dans une zone grise. Par un amendement intitulé "0 impôt sur la bière fait-maison" de la loi de finances 2021, les députés ont rendu cette activité légale.
Un intérêt économique
Faire sa bière soi-même a aussi un intérêt économique, puisqu'après amortissement du matériel, le litre revient à environ 60 centimes, comme nous le confirme Guirec Aubert, biérologue, contacté par RMC Conso. Dans le commerce, la bière artisanale coûte environ 5 euros le litre et la bière industrielle 2,5 euros le litre en moyenne.
Mais "on ne le fait pas pour ça, nuance cet ancien journaliste de presse écrite reconverti dans la bière. Cela demande beaucoup de temps et de rigueur, il faut vraiment le vouloir pour faire sa bière maison."
Cinq heures de travail
RMC Conso a d'ailleurs testé et nous pouvons vous le certifier: entre le concassage du malt, la première cuisson à une température de 65°, les diverses filtrations pour éliminer les résidus, la deuxième cuisson du moult de bière obtenu à 90° avec l'ajout du houblon, le refroidissement du liquide et l'adjonction de levure, il aura fallu cinq heures pour obtenir un résultat qui devra encore fermenter pendant une quinzaine de jours. Le temps nécessaire pour que la levure transforme le sucre en alcool et en gaz. Un travail qui demande donc patience, méticulosité et motivation.
"Le fruit d'une première tentative est souvent décevant," nous prévient Guirec Aubert. Et effectivement, selon les témoignages recueillis par RMC Conso, les apprentis brasseurs ne sont pas toujours satisfaits du résultat.
"Difficile d'obtenir quelque chose de buvable" selon Sam, "la bière n'avait pas une belle couleur et sentait mauvais", nous dit Nadège, même si certains habitués, comme Cyril, nous assurent que "la technique est assez simple si l'on respecte bien les différentes étapes".
Un savoir-faire récompensé
Brasser de la bière reste un savoir-faire que les professionnels du secteur mettent en avant dans divers concours, à l'instar du World Beer Awards, qui récompense chaque année, à Londres, les meilleures bières du monde ou encore le Concours général agricole du Salon de l'agriculture, qui prime tous les ans en février les produits du terroir dont la bière.
Cette année encore, le jury de zythologues, qui sont à la bière ce que les oenologues sont au vin, jugera la qualité des malts utilisés, des houblons, la finesse de l'amertume et l'équilibre des saveurs.
C'est le côté glou-glou qui importe, explique Guirec Aubert. Une formule un peu triviale pour jauger si oui ou non on boit le produit sans se poser de question. Une bière ratée, c'est une bière qui nous écoeure au bout de quelques gorgées".
Or la bière artisanale permet de nombreuses possibilités en termes de goût, par la diversité des malts et des houblons utilisés et la maîtrise de la fermentation, contrairement à la bière industrielle, très standardisée.
Cette dernière est, dans la majorité des cas, coupée à l'eau et agrémentée de glucose. Parfois d'additifs. Elle est aussi pasteurisée, contrairement à la bière artisanale, pour éviter les microbes et lui permettre une stabilité ainsi qu'une plus longue conservation. Indispensable pour les grandes marques, la pasteurisation nuit à la qualité du produit, selon Kevin Berthomé, qui estime qu'"elle élimine 70% du goût".
Car chaque bière a un goût qui lui est propre et que les professionnels accordent désormais aux mets, au même titre que les vins. Autrefois considérée comme une boisson peu raffinée, la bière s'impose de plus en plus en tant que produit gastronomique à part entière. À consommer toutefois avec modération, bien sûr.