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Des fraises à "haute valeur environnementale" en février: que vaut ce label qui envahit les rayons?

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Des fraises origine France sont déjà en rayons, en cette fin février. Pourtant, la saison ne commence qu'en avril. Elles portent malgré tout un label: la Haute valeur environnementale. Mais que vaut vraiment cette allégation?

Vous l'avez peut-être remarqué en faisant vos courses: dès ce mois de février, des fraises origine France sont commercialisées en supermarchés. Certaines affichent même un label Haute valeur environnementale (HVE).

Pourtant, la saison des fraises ne commence qu'à partir du mois d'avril. RMC Conso s'est donc posé la question: que vaut vraiment le label Haute valeur environnemntale, décrié par différentes associations écologistes et de défense des consommateurs depuis plusieurs années?

Des fraises cultivées hors-sol

Lorsque RMC Conso a contacté la SA Marmandise, qui commercialise des fraises gariguette du Lot-et-Garonne, la réponse a été claire: ces fraises sont plantées en novembre, cultivées hors-sol sous serres chauffées pour être prêtes en février.

Un mode de culture qui implique "un coût énergétique énorme et absurde pour permettre un éclairage suffisant et une maîtrise de la température", selon Sylvain Delamare, maraîcher bio du même département, contacté par RMC Conso. Lui ne verra sa production de fraises cultivées en pleine terre, comme l'impose le label Agriculture biologique, sortir qu'au mois d'avril.

Haute valeur environnementale ne veut pas dire bio

Les fraises cultivées hors-sol de la SA Marmandise ne sont donc pas bio, elles sont toutefois à Haute valeur environnementale. C'est en tout cas ce qu'indique le logo représentant une ferme, un champ, un soleil et un papillon apposé sur l'emballage. Un label justement controversé parce que selon de nombreuses associations, il concurrence le bio sans être à sa hauteur.

Logo du label Haute valeur environnementale
Logo du label Haute valeur environnementale © Association nationale pour le développement de la certification HVE

Le label Haute valeur environnementale a été mis en place par le gouvernement en 2011 dans l'objectif de promouvoir des modes de production agricole plus respectueux de l'environnement. Et c'est un réel succès puisqu'alors qu'elles n'étaient que 800 exploitations labellisées en 2018, elles sont aujourd'hui plus de 37.000.

Le problème, c'est que les critères pour l'obtention de ce label ne sont pas suffisamment exigeants selon ses détracteurs. L'Office français de la biodiversité (OFB), un organisme public d'État, a lui-même remis en cause le dispositif dans deux rapports, en 2020 et en 2022.

Ses critiques ont amené le gouvernement à revoir le cahier des charges du label, mais il reste encore beaucoup trop souple selon un collectif d'associations qui a déposé une requête auprès du Conseil d'État en janvier 2023.

Concurrence déloyale

Il accuse le label Haute valeur environnementale de tromperie des consommateurs et de concurrence déloyale vis-à-vis du label Agriculture biologique, parce que tout en étant plus facile à obtenir que ce dernier, le HVE résonne dans la tête des consommateurs comme un gage d'écologie.

Une étude de l'interprofession des fruits et légumes frais de 2022 appuie cette assertion. Selon elle, près de la moitié des consommateurs se fie au label HVE pour choisir des fruits et légumes supposés de qualité.

Or le système d'obtention de ce label repose sur une attribution de "bons" points dans quatre grands domaines: le respect de la biodiversité, l'utilisation de produits phytosanitaires, l'utilisation d'engrais chimiques et la gestion de l'eau.

Pour obtenir le label, il faut cumuler 10 points dans chaque domaine, 40 au total. Ce qui implique qu'une compensation est possible: un agriculteur pourra être labellisé HVE tout en utilisant des pesticides, s'il a fait plus d'efforts dans les autres domaines.

Pesticides autorisés

C'est le principal reproche des associations: là où le bio interdit l'utilisation des pesticides et des engrais chimiques, il n'y a pas d'obligation et aucune contrainte dans le label Haute valeur environnementale. Une information qui peut créer la confusion dans l'esprit du consommateur, à moins qu'il soit particulièrement bien renseigné.

Selon Fiona Marty, chargée des affaires européennes à la FNAB (Fédération nationale d'agriculture biologique), une des sept associations ayant porté le recours, contactée par RMC Conso, cela représente une allégation trompeuse. Autrement dit, le label HVE est accusé de greenwashing, ou écoblanchiment, c'est-à-dire de faire croire à tort aux consommateurs qu'ils achètent un produit bon pour l'environnement.

Deux labels qui cohabitent

Face à ces attaques, le ministère de l'agriculture répond que les deux labels peuvent cohabiter et qu'ils ne sont pas censés se faire concurrence. Les défenseurs du label HVE estiment aussi qu'il peut être vu comme une première étape vers le bio. Mais il n'existe aucune statistique publique sur le nombre d'agriculteurs HVE devenus bio par la suite.

Dans le cadre de la requête au Conseil d'État, le ministère de l'agriculture avait trois mois à compter d'avril 2023 pour répondre à nos arguments, il ne l'a fait que le 8 février 2024", explique Fiona Marty.

Pas de décision avant l'été

"Nous avons désormais jusqu'au 9 mars pour répondre à notre tour, puis le ministère pourra à nouveau exposer ses arguments, donc nous n'aurons pas de décision avant au moins cet été," précise-t-elle.

La bataille judiciaire, qui vise à faire interdire le label Haute valeur environnementale, ne devrait donc pas voir son dénouement avant plusieurs mois.

En attendant, charge aux consommateurs d'avoir conscience que, si le label HVE représente un progrès par rapport à l'agriculture conventionnelle, ce progrès reste relatif et n'est pas comparable à l'agriculture biologique.

Charlotte Méritan