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Négociations commerciales: combien coûtera notre panier de courses dans les prochains mois?

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À quelques jours de la fin des négociations commerciales entre grande distribution et industriels, RMC Conso vous révèle quelle sera l'évolution des prix à attendre dans les prochains mois, dans les rayons de nos supermarchés.

Dernière ligne droite avant la fin des négociations commerciales entre la grande distribution et ses fournisseurs, qui doivent arriver à leur terme ce samedi 1er mars. Les montants des contrats signés détermineront les prix en rayons pour les mois à venir.

Elles sont particulièrement tendues cette année en raison du contexte économique, chacun essayant de tirer son épingle du jeu: les marques veulent vendre leurs produits au prix le plus élevé possible, tandis que les supermarchés souhaitent les acheter au prix le plus bas possible.

Avec, à l'arrivée, un impact sur le portefeuille des consommateurs. Alors, faut-il s'attendre à des hausses ou à des baisses de prix sur le panier de courses? RMC Conso a interrogé plusieurs acteurs du secteur pour vous révéler les coulisses de ces négociations et leurs conséquences sur les prix.

Bras de fer

Pour justifier les hausses ou baisses de prix réclamées, chacun a ses arguments. Côté grande distribution, on évoque la baisse de l'inflation et du prix de certaines matières premières agricoles qui justifient, selon les principaux acteurs du secteur, des réductions de prix entre 3 et 5%.

Les industriels avancent la hausse des coûts de certaines matières premières industrielles (emballages, énergie...) et quatre années d'inflation durant lesquelles ils ont rogné sur leurs marges, une raison, selon eux, de leur accorder des augmentations de prix de 5 à 7% en moyenne.

"Lorsque la grande distribution nous demande 5% de baisse de prix, cela représente pour nous 60 à 100 millions d'euros de pertes, ce n'est pas possible," confie un géant laitier à RMC Conso.
"Il y a un manque de transparence sur le prix des matières premières agricoles payé par les industriels, on ne sait pas à quoi correspondent précisément ces demandes d'augmentations," regrette de son côté Layla Rahhou, déléguée générale de la Fédération du Commerce et de la Distribution, contactée par RMC Conso.

"Le gouvernement estime que les surcoûts de l'industrie doivent être imputés au Caddie des Français, nous estimons que non: il y a d'autres leviers sur lesquels travailler," ajoute-t-elle.

"Le modèle économique des supermarchés ne fonctionne pas. Tout le monde veut s'aligner sur les prix pratiqués par E.Leclerc, mais en réalité, ce n'est pas assez cher. Une déflation ne serait pas tenable et impacterait le monde agricole," répond le géant laitier.

La transparence des coûts, le respect de la sanctuarisation des prix de la matière première agricole, les différences de prix à l'échelle européenne et l'utilisation de centrales d'achats en dehors du territoire français, pour tenter de profiter de ces tarifs plus bas ailleurs au sein de l'UE, forment les principales sources de tensions. Avec pour constat commun le manque de compétitivité de la France.

Résultat, bien que les discussions aient démarré entre décembre et janvier, à cinq jours de la fin des négociations commerciales, difficile de tirer des conclusions claires concernant leur issue. Une petite moitié de contrats seulement est signée entre grande distribution et grands groupes de l'industrie agroalimentaires (les contrats avec les PME sont en revanche presque tous signés, nous confirme Layla Rahhou).

Des prix stables

Une tendance semble toutefois se dessiner. De chaque côté, les acteurs interrogés s'accordent à dire que l'on devrait arriver à une certaine stabilité des prix. Ils devraient finalement suivre l'inflation, c'est-à-dire connaître une hausse de 1 à 2% seulement, pour la plupart des produits de grande consommation.

À l'exception de quelques denrées dont les cours ont incontestablement augmenté. Les produits à base de cacao, le café et le jus d'orange devraient donc voir leurs prix croître d'environ 10%.

"On ne reviendra pas aux prix d'avant crise, il n'y aura pas de baisse, mais pas de grosse augmentation non plus, sans doute une très très légère inflation," affirme le porte-parole d'une enseigne de la grande distribution.

Ce qui laisse présager que, malgré des demandes particulièrement divergentes cette année, les accords trouvés permettront de couper la poire en deux.

"Il va bien falloir lâcher à un moment, que chacun soit responsable et y mette du sien," mumure à ce sujet un acteur de l'industrie agroalimentaire.
"Vous savez, c'est le jeu, c'est le psychodrame annuel, devenu un marronnier pour les média," s'amuse un acteur de la grande distribution.

Déréférencements possibles?

L'éventualité de l'absence d'accord laisse néanmoins planer le risque que certains produits disparaissent des rayons. Même si la non-signature de contrats avant la date butoir arrive rarement, étant donné le risque de sanction auquel s'expose la grande distribution (Leclerc avait par exemple écopé d'une amende de 38 millions d'euros l'été dernier), le déréférencement peut être un moyen de pression. Illégal, il est parfois utilisé de manière discrète.

"Une grosse centrale d'achat nous met la pression en baissant les volumes commandés. C'est une manière de négocier qui n'est pas sereine," fustige à ce sujet le porte-parole d'un géant de l'agroalimentaire.

Pour contrer ce phénomène et dans le but de "renforcer l'équilibre dans les relations commerciales", la loi Egalim a introduit la possibilité, pour les fournisseurs, d’arrêter les livraisons en cas de désaccord. La marque Mars a par exemple récemment interrompu ses livraisons à Intermarché pour cette raison.

L'affiche "Mars attaque" utilisée par Intermarché dans ses magasins et sur les réseaux sociaux.
L'affiche "Mars attaque" utilisée par Intermarché dans ses magasins et sur les réseaux sociaux. © Groupement Mousquetaires

Mais ces cas de figure durent rarement plus de quelques semaines, distributeurs et industriels étant interdépendants.

"C'est comme un couple," expliquait Olivier Dauvers, spécialiste de la grande distribution, à RMC Conso, dans un article consacré à ce sujet il y a quelques mois.

"En général, ce qui se passe, c'est qu'au bout de trois ou quatre mois, chacun fait un pas vers l'autre, parce que chacun a besoin de l'autre pour exister."

Malgré ce que la théâtralisation des négociations commerciales pouvait nous laisser craindre, le panier de courses des Français ne devrait donc pas être drastiquement impacté dans les prochains mois. Sachant que les prix renégociés n'apparaîtront en rayons que d'ici un ou deux mois, le temps que les anciens stocks soient écoulés.

Si les prix sont, théoriquement, fixés pour l'année, la loi Egalim 2 prévoit néanmoins une révision automatique des prix en cas d'évolution du coût des matières premières agricoles. Ils peuvent donc augmenter en cours d'année.

Charlotte Méritan