Jambon végétal en tranches ou en sandwich: que vaut cette alternative à la viande?

Du jambon sans viande mais aux pois chiche ou aux lentilles corail? Un club sandwich au jambon sans vrai jambon? Ce sont les derniers produits sortis par les marques Fleury Michon et La Vie.
Le marché des alternatives végétales à la viande ne cesse d'innover pour tenter de gagner des parts de marché. Le rayon traiteur végétal pèse déjà 139 millions d'euros selon le panéliste NielsenIQ et les ventes des versions végétales représentent 6% des ventes de viande en libre-service.
Alors même que le secteur connaissait une victoire, début avril, le Conseil d'État ayant de nouveau suspendu un décret du gouvernement interdisant aux fabricants de substituts à la viande d'utiliser les mots "steak", "escalope" ou "jambon", la célèbre marque spécialisée dans les préparations charcutières Fleury Michon semblait opérer un tournant en proposant ses "tranches végé".
À peu près au même moment, la marque de produits végétaux La Vie sortait son club sandwich, un an après avoir lancé la commercialisation de son jambon végétal.
En cette saison des pique-niques, ces alternatives à la viande pourront donc rendre service aux végétariens qui souhaitent continuer de consommer de la "charcuterie" (ou du moins des produits qui y ressemblent). Mais que valent ces produits en termes de goût, nutrition, rapport qualité/prix? RMC Conso a testé pour vous, comparé les prix et décrypté les étiquettes. Voici notre verdict.
Goût, odeur, texture proches de la viande
Première remarque, la présentation du produit est identique à celle du jambon ou du blanc de dinde en tranches: l'emballage est le même, la disposition des tranches également. En termes de couleur en revanche, la différence saute aux yeux: très orange pour la version aux lentilles corail, beige pour les versions au pois chiche ou aux haricots blancs.

En termes de goût, d'odeur et de texture, les tranches végé Fleury Michon ressemblent, de l'avis de la rédaction, à des tranches de blanc de dinde. Pourtant, les deux premiers ingrédients qui composent le produit sont de l'eau et des légumineuses (lentilles corail, pois chiche ou haricots blancs). La forte teneur en eau du produit est justifiée par la marque:
"Nous avons besoin de beaucoup d'eau pour cuisiner les lentilles corail afin d'obtenir une tranche délicieuse qui contient, au final, moins d'eau qu'une tranche de jambon," précise l'emballage.
Une version confirmée par la diététicienne-nutritionniste Claire Trommenschlager, qui a analysé ces produits sur son compte Instagram:
"Le premier ingrédient est l'eau, mais c'est normal pour un produit végétal recomposé".
Des ingrédients pour lier et épaissir
Mais comment la pâte de lentilles cuites prend-elle la texture d'une tranche de jambon? Tout simplement en ajoutant des ingrédients dits "texturant": du blanc d'œuf en poudre et de l'huile de colza qui font office de liant, de la fécule comme épaississant.
"Le seul ingrédient qui me pose problème, c'est le blanc d'œuf en poudre, car il ne provient visiblement pas de poules élevées en plein air, sinon cela serait précisé," regrette la professionnelle de la nutrition.
Pour le goût, l'ajout d'un bouillon proche de celui utilisé pour la fabrication du jambon aide à nous donner l'impression, en bouche, de manger cette charcuterie familière. Un peu de sel et quelques arômes naturels permettent de s'en rapprocher encore.
Pour la coloration et la conservation, Fleury Michon a incorporé à ses recettes deux additifs: du vinaigre tamponné du caramel ordinaire. Tous deux sont considérés comme étant sans risques pour la santé, selon l'UFC Que Choisir.
Pas de nitrites, mais moins de protéines
Les tranches végétales Fleury Michon restent "un aliment issu de l'ultra-transformation, néanmoins, rien dans leur composition ne présente de danger pour la santé", affirme Claire Trommenschlager.
La composition de ce produit peut même être analysée comme meilleure que le jambon blanc, qui contient, dans ses versions classiques, un conservateur controversé, le nitrite de sodium, classé comme cancérogène probable, et du sucre (dextrose). Il existe toutefois aujourd'hui des jambons blancs sans nitrites.
En termes de qualités nutritionnelles, les tranches végétales contiennent moins de protéines que le jambon blanc classique (8 grammes pour 100 grammes de produit contre 22 grammes pour 100 grammes de produit). Contrairement à leur version carnée, elles contiennent des glucides (11%), ce qui est tout à fait logique puisqu'elles sont composées de légumineuses, des féculents.
"Elles contiennent 3,8 grammes de fibres pour 100 grammes, ce qui est intéressant pour le côté rassasiant," indique par ailleurs Claire Trommenschlager.
En revanche, le jambon végétal La Vie, présent dans le club sandwich, se rapproche plus du jambon de porc en termes de qualités nutritionnelles: quasiment autant de protéines (19,5%) et pas de glucides. Cela est dû à sa composition: on a extrait les protéines du pois pour n'intégrer qu'elles au produit (et pas les glucides présentes dans le pois).

Beaucoup plus cher
Le prix des tranches végétales et des sandwichs est plus élevé que leurs équivalents carnés. Les tranches végétales Fleury Michon coûtent autour de 27 euros le kilo, contre 16 euros pour le jambon blanc classique de la même marque. Ce qui signifie qu'elles sont 70% plus chères. En revanche, leur prix se rapproche des jambons blancs sans nitrites, qui coûtent souvent plus de 25 euros le kilo.
En ce qui concerne le sandwich avec jambon végétal La Vie, le club coûte 3,52 euros, contre 2,29 euros pour un sandwich jambon/emmental Sodebo de taille similaire. Cela fait presque 60% de plus.
Pourquoi un tel écart de prix? Plusieurs raisons l'expliquent: premièrement, ces produits sont une innovation et ont nécessité des investissements en recherche et développement répercutés sur le prix de vente. D'autre part, ces produits étant fabriqués en moins grande quantité, ils permettent moins d'économies d'échelle.
Des produits qui ne visent pas le même public
La dernière raison est purement commerciale: il y a moins d'offres sur ce type de produits, donc moins de concurrence, ce qui permet aux marques d'appliquer un tarif plus élevé. Le public cible est potentiellement un public d'anciens carnivores qui cherchent à retrouver le goût de la viande dans ces alternatives et est donc prêt à mettre le prix nécessaire pour cela.
Il est en effet "plus facile de passer d'un steak haché de boeuf à un 'steak' végétal à l'aspect similaire que de demander aux gens de changer leurs habitudes alimentaires et de cuisiner davantage de produits bruts, ce qui est moins pratique", affirme une étude du centre de réflexion britannique Green Alliance, citée par l'AFP.
C'est par ailleurs un public suffisamment aisé pour s'offrir ce type de produits. Des études ont montré que l'on trouvait plus de végétariens dans les catégories socio-professionnelles supérieures.
"La proportion de végétariens augmente à mesure qu’on s’élève dans la hiérarchie sociale," indique à ce sujet une étude publiée dans la revue scientifique Sesame en 2020.