Saveur de l'année: comment est attribué ce label visible sur certains produits alimentaires?

Bravo aux gnocchi à poêler Lustucru, aux pizzas surgelées Fiorini ou encore au mini gouda Carrefour Classic... Ce mardi 4 mars, au lendemain de la cérémonie des Oscars, c'est au tour des produits de nos supermarchés de recevoir leur récompense.
La distinction "reconnu saveur de l'année" est attribuée cette année à 179 produits au total, qui auront le droit d'arborer sur leur emballage le logo bleu, jaune et rouge, que les consommateurs connaissent bien.
Qui, en comparant deux produits équivalents, ne s'est pas laissé influencer par ce label au nom, il faut le dire, on ne peut plus évocateur et probablement bien mieux compris que les plus techniques "AOP", "Label rouge", ou "Bleu blanc cœur"?
Vous êtes-vous toutefois demandé ce que signifiait véritablement "saveur de l'année" et si la distinction était fiable? RMC Conso vous dit tout sur le fonctionnement de ce label qui existe depuis près de trente ans.
Juger le goût des aliments
C'est en 1997 que Willy Mansion, alors restaurateur, a l'idée de créer un label qui, via un jury de consommateurs, mette en lumière des produits jugés par ces derniers comme étant particulièrement savoureux.
"Je voulais guider les consommateurs en les mettant au cœur du processus de sélection," explique-t-il à RMC Conso.
Dans la jungle des logos alimentaires, la plupart distinguent des caratéristiques objectives: le mode de production, l'intérêt nutritionnel, l'appartenance à un terroir... À l'inverse, "saveur de l'année" juge un aspect plus subjectif du produit, néanmoins primordial, le goût.
Pour que la méthodologie soit malgré tout prise au sérieux, Willy Mansion met les moyens: les tests des consommateurs sont réalisés en laboratoire, à l'aveugle.
"Afin de réaliser les évaluations sensorielles dans les meilleures conditions de rigueur et d’objectivité: température, bruit, éclairage et hygrométrie sont à conditions constantes et contrôlées. Ce cadre technique garantit l’impartialité et la déontologie de l’épreuve," indique le site internet.
Pour chaque produit, 60 personnes sélectionnées pour leurs habitudes de consommation (elles testent des gammes de produits qu'elles connaissent plutôt bien) se livrent à la dégustation. Au total, ce sont près de 6.000 consommateurs qui se prêtent au jeu.
Ils apprécient le goût mais aussi l'odeur, l'aspect et la texture et donnent une note sur 20 au produit. Note qui peut être remontée par des points bonus si le produit affiche une bonne qualité nutritionnelle, un faible degré de transformation, ou encore des engagements de durabilité. Pour être reconnu "saveur de l'année", il faut obtenir une moyenne minimale de 14/20.
Un label financé par les marques
La limite du label? Il est entièrement privé. Ce sont les marques qui le financent, d'abord en s'inscrivant au test, ensuite en affichant le logo sur leurs emballages lorsqu'elles ont obtenu la récompense.
"L'inscription coûte de 0 à 1.700 euros et le tarif dépend du chiffre d'affaires de l'entreprise, pour permettre même aux plus petites de participer. Les petites entreprises ne payent rien, et les grosses marques payent plus," précise Willy Mansion.
Pour les plus grosses marques, l'affichage du logo coûte ensuite environ 5.000 euros pour l'année, affirme-t-il.
S'il assure que la dégustation n'en est pas moins impartiale, tous les inscrits n'étant pas forcément récompensés (179 lauréats sur 349 candidats), le caractère complètement facultatif et relativement onéreux du label en réduit la portée.
349 inscrits, c'est en effet une goutte d'eau au milieu des quelques 30.000 références de la grande distribution.
Le logo "saveur de l'année" ne permet donc pas au consommateur de savoir si un produit est meilleur qu'un autre: si un produit ne l'affiche pas, c'est certes peut-être qu'il n'a pas obtenu la note de 14/20, mais c'est peut-être aussi, et beaucoup plus probablement, parce qu'il n'a tout simplement pas candidaté.
Impossible de savoir, d'autant que ceux qui n'ont pas réussi le test ne sont pas révélés au grand public: on connaît la liste des lauréats, pas la liste totale des participants.
"Si deux produits d'une même catégorie sont en compétition, c'est celui qui a obtenu la meilleure note qui obtient la récompense," détaille Willy Mansion.
15 à 20% de ventes en plus pour les marques
Mais si l'un des deux a été particulièrement mal noté et donc jugé mauvais au goût, le consommateur n'en saura rien. "On n'est pas là pour montrer du doigt...," répond à ce sujet le créateur du label.
L'intérêt pour les marques est évidemment commercial. C'est un investissement qui fait partie de leur budget marketing, et qui a un impact immédiat sur les ventes. D'ailleurs, "les marques font concourir des produits dont elles sont déjà à peu près sûres de la qualité en termes de goût," admet Willy Mansion.
"Ça booste leurs ventes, difficile de dire exactement de combien, ça dépend des produits, mais on peut donner une moyenne entre 15 et 20%," ajoute-t-il.
D'ailleurs, quand on regarde la liste des lauréats, on s'aperçoit que certains distributeurs font la démarche d'inscrire plusieurs de leurs produits de marque distributeur, tandis que d'autres sont complètement absents. Des produits Carrefour, Intermarché et Lidl sont reconnus "saveur de l'année". Aucun produit Leclerc, Monoprix ou Auchan. Mais ne vous y trompez-pas: cela ne veut pas dire qu'ils sont moins bons, simplement qu'ils n'ont probablement pas candidaté.
Sans que la mention soit complètement inutile, puisqu'elle dit tout de même que le produit a été jugé bon, au goût, par 60 consommateurs, elle reste à prendre avec des pincettes. Elle ne permet pas une comparaison de l'offre alimentaire. Ces produits "saveur de l'année" peuvent être bons, mais ils ne sont pas forcément meilleurs que les autres.