Électricité: attention à ces fournisseurs qui sous-estiment intentionnellement vos mensualités

Plus de 77.000 clients du fournisseur d'électricité Eni ont été victimes de cette pratique commerciale trompeuse (photo d'illustration). - Freepik
Les faits remontent à 2022-2023, au plus fort de la crise énergétique qui avait alors subitement frappé les Français. Plusieurs fournisseurs, parmi lesquels Eni, avaient sous-évalué les mensualités de leurs clients au moment du renouvellement de leur contrat.
Alors que les prix de l'électricité augmentaient, ils se sont vus proposer un échéancier relativement bas, correspondant à ce que ces clients payaient avant la crise. L'objectif pour les fournisseurs: proposer des tarifs faussement attractifs pour conserver leurs clients.
Sauf que les prix ont continué d'augmenter au cours de ce nouveau contrat. Et résultat, ces clients se sont retrouvés avec des factures de régularisation colossales. Parfois jusque 11.000 euros, comme le rapportait à l'époque RMC.
Une amende de 275.000 euros pour Eni
Depuis ces événements, une enquête a été menée par la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) des Hauts-de-Seine (92), département où se trouve le siège social de la filiale française d'Eni. Dans un communiqué publié sur le site de la Répression des fraudes (DGCCRF), cette dernière explique que 77.016 consommateurs ont été victimes.
"Les faits portent sur l’envoi d’échéanciers largement décorrélés de la hausse des tarifs de l’électricité. Ces échéanciers ont induit les clients en erreur sur le montant de l’énergie qui leur serait réellement facturé. Ils sont constitutifs du délit de pratique commerciale trompeuse", explique-t-elle.
Eni s'est ainsi vu infliger une amende de 275.000 euros. Et si l'on se rend sur le site Internet du fournisseur, depuis rebaptisé "Plenitude", un gros bandeau rouge en tête de page informe de cette décision des autorités. De quoi bien avertir l'éventuel futur client de cette sanction, au moment où celui-ci s'apprête, peut-être, à souscrire un contrat...
Cette sanction, la directrice générale du Médiateur national de l'énergie Frédérique Fériaud s'en réjouit. L'institution qu'elle dirige a reçu à l'époque toutes les saisines de clients lésés par ces surfacturations. Les autorités se sont appuyées dessus pour mener leur enquête.
Des lignes directrices instaurées en 2024
Mais Eni n'a pas été le seul à se rendre coupable d'une telle pratique. Dans son rapport d'activité de 2023, le Médiateur distribuait également des "cartons rouges" à trois autres fournisseurs: Engie, Ohm Energie et Wekiwi.
"Tous les quatre ont exercé cette pratique trompeuse de sous-évaluation délibérée du montant des mensualités. Les victimes ne s'en sont pas rendu compte, car très souvent les clients ne savent pas précisément ce que à quoi correspond leur mensualité. Et à l'époque il était plus difficile d'obtenir cette information", déplore Frédérique Fériaud.
Il y a effectivement eu un avant et un après crise énergétique dans l'information et la protection du consommateur client d'un fournisseur. En septembre 2024, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a mis en place des "lignes directrices" listées sur son site et ayant vocation à s'appliquer à tous les fournisseurs, qui les ont signées.
Une de ces lignes directrices prévoit par exemple l'ajustement des mensualités des clients en cas d'évolution subite du prix de l'énergie, et/ou de la consommation de logement.
Des fonctionnalités pour mieux gérer sa consommation
On a ainsi vu apparaître ces derniers temps de nouvelles fonctionnalités permettant de mieux gérer sa consommation, ainsi que ces dépenses. Par exemple, la plupart des fournisseurs offre désormais la possibilité de modifier une ou plusieurs fois par an le montant de ses mensualités afin d'ajuster le montant de sa facture de régulation.
Et cela marche dans les deux sens. Au moment de souscrire un contrat, mon fournisseur peut aussi surévaluer mes mensualités. Auquel cas je recevrai une facture de régulation en ma faveur. Mais pour beaucoup de consommateurs, il est toujours idéal de payer des mensualités au plus proche de sa consommation réelle.
Frédérique Fériaud note d'ailleurs que certains fournisseurs proposent justement une facturation dite "au réel", en lieu et place de celle dite "annuelle" avec mensualités et régularisation.
"Cela est permis par le développement des compteurs communicants Linky. Ils permettent au fournisseur d'évaluer en temps réel combien un client consomme", note la directrice du Médiateur.
Cette facturation au réel est ainsi appliquée par exemple de manière mensuelle par Octopus Energy. Ou de manière bimestrielle (tous les deux mois) par EDF et TotalEnergies. Cela peut être une bonne option pour bien se rendre compte de combien l'on consomme, et être incité à faire des économies d'énergie.
Une loi votée fin septembre ?
Toutefois, avec une telle facturation on se retrouve en général avec des factures beaucoup plus importantes l'hiver que l'été. "Il y a des gens qui ont besoin de payer chaque mois la même chose pour s'y retrouver plus facilement", constate Frédérique Fériaud.
L'information du consommateur par les fournisseurs pourrait même se renforcer encore davantage. En juillet dernier, une proposition de loi a été déposée par le sénateur Daniel Grémillet. Celle-ci comporte notamment un article prévoyant de rendre obligatoire les lignes directrices de la CRE, qui n'ont pour l'heure que le statut de vives recommandations.
Celle-ci doit être examinée à l'Assemblée nationale fin septembre. Mais le contexte politique actuel, particulièrement incertain avec le vote de confiance du 8 septembre, risque de compliquer l'affaire...