Pourquoi "préparer" sa peau au soleil avec des compléments alimentaires n'est pas une bonne idée

Une femme se protège du soleil avec un foulard, le 17 juillet 2023 à Avignon, lors d'une vague de chaleur en France - Nicolas TUCAT © 2019 AFP
Stress, vitalité, sommeil et même préparation à l'exposition au soleil. Il existe des compléments alimentaires pour tous les besoins des consommateurs. Et si leur efficacité est souvent remise en question, cela n'empêche pas 59% des Français d'en consommer, selon le Baromètre 2022 de la consommation des compléments alimentaires d’Harris Interactive pour Synadiet.
Et à quelques semaines du coup d'envoi des vacances d'été, ce sont les gélules pour "préparer" sa peau au soleil qui sont les plus sollicitées. Alors qu'une campagne de sensibilisation aux risques liés à l'exposition au soleil lancée par le Syndicat national des dermatologues bat son plein depuis le 10 juin dernier, de nombreux Français pensent encore préparer leur exposition en consommant des compléments alimentaires.
Oenobiol, Aime ou encore 1,2,3, Soleil... RMC Conso a interrogé Isabelle Rousseaux, membre du Syndicat national des dermatologues, sur l'efficacité de ces gélules, vendues entre 15 et 40 euros pour une trentaine d'unités.
"Ces compléments ne protègent en rien du soleil"
D'après l'Institut national du cancer, 1 Français sur 5 pense que ces gélules, généralement achetées en pharmacies ou directement en ligne, protègent contre les coups de soleil et les risques qu'ils engendrent pour la peau. Pour rappel, environ 100.000 nouveaux cas de cancer de la peau sont diagnostiqués chaque année dans le pays, selon le Syndicat national des dermatologues. Plus de 80% d'entre eux sont liés à une exposition excessive au soleil.
Une partie des consommateurs de compléments alimentaires solaires pensent ainsi protéger leur peau contre les agressions du soleil en commençant une cure 1 ou 2 mois avant leur départ en vacances. Pour cause, la plupart de ces produits promettent une protection.
Mais comme la plupart de ses confrères, la dermatologue Isabelle Rousseaux est très claire: "Ces compléments alimentaires ne protègent et ne préparent en rien à l'exposition au soleil."
"Leur effet est purement superficiel, puisqu'ils pigmentent les cellules cornées, couche superficielle de la peau et donnent un aspect un peu bronzé. Mais ça n'est pas de la mélanine, donc ça ne protège pas du soleil", prévient-elle.
En effet, la majorité de ces gélules contiennent des additifs colorants qui vont apporter une teinte orangée à la peau. Les consommateurs ont par conséquent l'impression que leur peau est préparée pour une exposition au soleil car déjà "un peu halée".
Par ailleurs, comme l'affirme l'Inserm dans une note à ce sujet, une recherche sur les principaux moteurs de publications scientifiques démontre "qu'il y a peu de données publiées par des équipes de recherche académiques pour évaluer l'efficacité et la sécurité" de ce type de compléments alimentaires.
Certains colorants peuvent être dangereux
Le pouvoir colorant des compléments alimentaires supposés préparer la peau au soleil leur vient généralement de substances "similaires au bêta-carotène", explique la note de l'Inserm qui soulève même des risques liés à leur consommation.
L'organisme de recherche scientifique évoque le cas du canthaxantine, un pigment de la famille des caroténoïdes retrouvé en "doses massives" dans des gélules commercialisées aux États-Unis.
"Ce colorant, autorisé à faible dose dans les aliments, peut en effet être nocif à des niveaux élevés. Il peut être à l’origine de rétinopathies (maladies de la rétine) en se déposant sous forme de cristaux dans les yeux. Des problèmes de foie et des irritations de la peau ont également parfois été signalés", alerte l'organisme.
Une note publiée en 2022 par la Food and Drug Administration (FDA) américaine a également alerté sur l'utilisation excessive de ce colorant dans certaines gélules.
"Il n'y a aucune façon de préparer sa peau au soleil"
Même si "on a besoin de soleil", d'après la dermatologue, ce dernier est en réalité une agression pour la peau.
"Le bronzage est une réaction de protection de la peau qui n'a, à la base, pas de vocation esthétique. Les mélanocytes transfèrent un peu de mélanine aux cellules de l’épiderme pour entourer les noyaux des cellules où il y a notre ADN et ainsi le protéger du soleil", nous détaille Isabelle Rousseaux.
Par ailleurs, la consommation de ces compléments alimentaires peut pousser leurs utlisateurs à amplifier leur exposition au soleil en pensant être préparés et armés contre les coups de soleil.
"Il y a également un risque de considérer que ces produits peuvent agir comme des crèmes de protection solaire et qu’ils permettraient donc de lutter contre les effets néfastes des rayons UV", alerte en effet l'Inserm.
Comme le rappelle Isabelle Rousseaux, la meilleure protection contre les effets délétères du soleil reste l'exposition très progressive et l'utilisation de crème de protection.
"Il faut y aller très doucement et commencer par des petites expositions de 5 minutes. On évite aussi d'être au soleil entre 12 et 16h, car ce sont des heures où les rayons sont particulièrement forts et dangereux. En ce qui concerne les crèmes, on mise sur un SPF 30 ou 50, en sachant que l'un protège à 96% et l'autre à 98%", détaille-t-elle.
Pour rappel, il est également essentiel d'avoir le réflexe d'appliquer une nouvelle couche de crème toutes les 2 heures et de façon uniforme. Pensez également à protéger votre tête à l'aide d'un chapeau et vos yeux avec une paire de lunettes de soleil réellement protectrice.