"Ça m’angoisse": faut-il mettre la pression sur les séniors pour faire baisser le chômage?

Les chômeurs de plus de 55 ans sont dans le viseur du ministre de l'Économie. Bruno Le Maire s'est prononcé ce jeudi pour un abaissement de la durée d'indemnisation du chômage des seniors. Ils peuvent actuellement toucher cette indemnisation pendant 27 mois et Bruno le Maire aimerait faire passer cette durée à 18 mois. Neuf mois en moins pour aligner la durée d'indemnisation des plus de 55 ans avec celle des autres chômeurs, et éviter "de mettre à la retraite de manière anticipée les plus de 55 ans", dit le ministre de l'Économie.
Un moyen pour lui d'atteindre le plein emploi, ces 5% de chômages visés d'ici la fin du quinquennat en 2027. Pour Matthieu Plane, économiste à l'OFCE, cette solution n’est pas viable. “Malheureusement, je ne crois pas que ça peut marcher. La question fondamentale, c’est de savoir s'il y a des créations d’emplois. Il y en a eu beaucoup dans la période post-Covid, mais là, on arrive dans une séquence qui est beaucoup moins positive avec le chômage qui remonte”, explique-t-il.
“Avec la réforme des retraites, l’Insee table sur 500.000 actifs en plus d’ici à 2027. Mais la vraie question, c’est, est-ce que les entreprises vont pouvoir garder ces seniors en emploi? Et effectivement, si elles ne les gardent pas, ils vont se retrouver dans le chômage et c’est l’assurance chômage qui va financer la réforme des retraites”, pointe Matthieu Plane.
Sanctionner les entreprises?
Bruno Le Maire estime que c'est une manière de dire qu'on a besoin d'eux et de leur expérience. Mais cette nouvelle passe mal pour les travailleurs concernés. "Ça m’angoisse", confie Isabelle, cadre en entreprise, en pensant au chômage à son âge. "À 57 ans, moi qui vis toute seule, qui n’ai que mes revenus, même si je prends n’importe quel job je n’aurais pas le salaire que j’ai et j’aurais du mal à subvenir à mes besoins", explique-t-elle.
Il faut dire que retrouver un travail après 55 ans demande beaucoup plus de temps. La sœur de Françoise est secrétaire et en a fait l'expérience. “Il a fallu au moins deux ou trois ans avant qu’elle ne retrouve du travail. Chaque fois qu’elle cherchait du travail, c’était non parce qu’elle était trop vieille. Les entreprises n’ont pas forcément envie de prendre des gens de cet âge-là, les former pour peu de temps de carrière derrière”, explique-t-elle.
Une réalité dont a bien conscience Dominique Corona, secrétaire général adjoint du syndicat UNSA. “Si les seniors sont au chômage, c’est parce qu’on les a licenciés, et s’ils sont encore au chômage, c’est parce qu’on refuse de les recruter. Donc qui a la responsabilité? Ce sont bien les employeurs. Si on veut changer les mentalités, c’est d’abord aux employeurs de montrer l’exemple”, appuie-t-il. Et pour le syndicaliste, il faut même aller plus loin, et sanctionner les entreprises.