"On va revenir au black": la restauration s'inquiète d'une possible fiscalisation des pourboires

"Sur un mois, les pourboires me rapportent 200 à 300 euros, parfois un peu plus. Fiscaliser ça, c’est mesquin", peste ce mercredi au micro des Grandes Gueules, Anacleto, maître d’hôtel. Le secteur de la restauration et de l'hôtellerie s'inquiète en effet face à la possible fiscalisation des pourboires, dans un contexte d'instabilité politique et de recherches d'économies dans l'élaboration du budget 2026.
Le budget 2025 prévoit en effet que ces gratifications restent exonérées d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales jusqu’au 31 décembre pour les salariés en contact avec la clientèle, dont le salaire brut ne dépasse pas 1,6 Smic (2.882,88 €). Les pourboires peuvent être donnés directement par les clients ou redistribués par l’employeur.
"Taxe sourire"
Pour l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH), cette exonération doit être prolongée au-delà de 2025. Son président, Thierry Marx, résume l’enjeu : "Les pourboires ne sont pas un privilège, mais une reconnaissance du service par le client. Les fiscaliser et faire payer des cotisations sociales sur ces gratifications reviendrait à instaurer une ‘taxe sourire’", a-t-il mis en garde dans un communiqué de presse.
"On ne se fait pas un deuxième salaire avec ça"
Les résultats d’une enquête, citée par l'Umih, menée auprès des salariés, montrent un rejet massif de toute fiscalisation : 81 % s’y opposent, 76 % se disent inquiets et 41 % envisageraient même de quitter le secteur si une telle mesure était adoptée. Plus de 70 % perçoivent régulièrement des pourboires en complément de leur salaire, et 83 % considèrent ces gratifications comme un avantage indispensable.
"C’est surtout pour payer les petites dépenses du quotidien : aller chercher le pain, acheter des cigarettes, boire un verre ou faire une course rapide. Ça évite d’aller au distributeur toutes les semaines. Ce sont surtout les petits salaires qui sont concernés : les serveurs, les garçons de café, les taxis, les coiffeurs… Avoir un peu de liquide peut dépanner dans les commerces. Ce n’est pas énorme, on ne se fait pas un deuxième salaire avec ça", explique Anacleto.
"Fiscaliser ces gratifications reviendrait à pénaliser des salariés déjà modestement rémunérés et à fragiliser tout un secteur", met en garde Thierry Marx
Junior, pizzaïolo en Ille-et-Vilaine, témoigne lui aussi : "C’est une vaste blague. On n’a quasiment plus de pourboires, tout se fait par carte bleue et les clients ne laissent rien. Avant, avec les tickets resto papier, on récupérait la monnaie dessus, mais maintenant c’est fini. Si on nous enlève le peu qu’on arrive à gratter à droite et à gauche. Si on nous enlève ça, on va revenir à faire du black, tout simplement."
En France, le service est inclus dans l'addition
Anacleto témoigne lui aussi à propos des nouvelles méthodes de paiement: "Les gens donnent de moins en moins de pourboires. Ce n’est pas une question de générosité, mais de moyens de paiement : tout passe par la carte, le téléphone ou la montre. Et puis en France, le service est déjà payé dans la note, contrairement aux États-Unis", rappelle-t-il.
Les syndicats favorables à la fiscalisation
Les syndicats de salariés, notamment la CFDT et la CGT, représentant deux tiers de la représentativité syndicale, soutiennent cependant la fiscalisation des pourboires, comme le rappelle TF1. Pour eux, l’exonération actuelle affecte le financement de la Sécurité sociale et du système des retraites. Les syndicats estiment aussi que la question des pourboires ne peut être dissociée de celle des salaires, jugés trop bas dans le secteur.