"Retour en arrière brutal": les ONG s'inquiètent du projet de simplification du Pacte Vert européen

La Commission européenne doit présenter ce mercredi la loi dite Omnibus qui entend simplifier un ensemble de textes relatifs aux droits humains et au climat s'imposant aux entreprises. Elle en rassemble quatre: la directive sur le devoir de vigilance (CSDDD), la directive sur la publication de données de durabilité (CSRD), la taxonomie européenne et le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (CBAM). Plusieurs ONG s'en émeuvent dans une lettre ouverte à Stéphane Séjourné, vice-président de la Commission européenne.
"C'est un retour en arrière brutal. Il y avait une intention de verdir l'économie, l'obligation pour les entreprises de s'assurer qu'elles n'utilisent pas de travail forcé au sein de leurs filiales, que le fournisseur ne porte pas atteinte à l'environnement, etc. C'est ce modèle qui semble tout à coup basculer", dénonce auprès de RMC Lucie Châtelain, de l'association Sherpa.
L'enjeu de la compétitivité européenne
L'institution européenne va notamment proposer de supprimer certaines obligations des entreprises européennes concernant leurs actions contre la pollution. Elles ne seraient aussi plus forcées de vérifier que tous leurs fournisseurs respectent les droits humains.
"Il ne s'agit pas de se débarrasser de ces textes mais de les simplifier, de les rendre plus applicables", a justifié ce mercredi sur France Inter Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe. Le ministre avait déjà réagi sur le réseau social X, se faisant notamment l'écho de nombreux patrons européens, soucieux de retrouver d'urgence un niveau de compétitivité suffisant face à la Chine et aux Etats-Unis de Donald Trump. Il réclamait aussi à l'UE de "revoir" la directive verte (CSRD), ciblée aussi par les lobbies patronaux.
Un "choc de simplification" indispensable pour alléger leur fardeau administratif, selon Bruxelles, soutenue par la France et l'Allemagne. Et ce afin de "simplifier drastiquement la vie des entreprises : supprimer le papier, numériser, alléger les obligations, ne faire du reporting que quand c’est utile", expliquait le mois dernier Stéphane Séjourné dans les colonnes du Figaro.
Le commissaire européen à l'Industrie, aux PME et au Marché unique avait également annoncé la création d'"une nouvelle catégorie pour les entreprises de taille intermédiaire, qui permettra de sortir environ 40.000 sociétés de certaines réglementations prévues pour les multinationales".
"Un choc de simplification, pas un simple toilettage", affirme Stéphane Séjourné
C’était déjà l’objectif de l’Agenda pour une meilleure régulation en 2015. Or depuis 2019, 13.000 nouvelles réglementations sont apparues au sein de l’Union européenne contre seulement 5.500 aux États-Unis, ce qui lui ferait perdre 10% de son potentiel de croissance chaque année.
"Sous prétexte de simplification", la loi Omnibus pourrait "limiter le devoir de vigilance aux partenaires directs de l'entreprise concernée", tandis que dans sa version actuelle, il s'applique à l'ensemble de la chaîne de valeur des entreprises européennes, y compris pour leurs fournisseurs et sous-traitants, pointent du doigt les ONG, citées par l'AFP.
Les entreprises qui n'ont pas joué le jeu récompensées?
La loi Omnibus "supprimerait l'obligation de mise en oeuvre des plans de transition climatique, ou encore reviendrait sur l'obligation d'introduire un régime de responsabilité civile en cas de manquement", listent les ONG, dont les inquiétudes sont nourries par la publication vendredi soir par le média Contexte d'un document présenté comme un "aperçu du projet de texte".
"Cela crée une incertitude majeure pour les pays qui ont déjà commencé leur processus de transposition et récompensera les entreprises qui n’ont pas réussi à se préparer à se conformer à ces législations", dénonce également l'association Sherpa.
Après les annonces de la Commission européenne, les 27 États-membres et le Parlement européen pourront à leur tour amender le texte.