"C'est assez logique": pourquoi les salaires n'augmenteront pas cette année

Les fiches de paie des salariés ne risquent pas d'évoluer cette année. C'est le constat effectué par un baromètre mené par Payfit et les éditions Tissot auprès de 800 professionnels des ressources humaines. L'étude a révélé que 27% d'entre eux ont affirmé qu'aucune augmentation individuelle n'était prévue de la part de leur entreprise cette année.
Un résultat peu étonnant pour Benoît Serre, directeur des ressources humaines et vice-président de l'Association nationale des DRH (ANDRH), qui s'explique avant tout par le contexte économique du pays.
"Il y a une cause qui est l'inflation qui s'est écroulée, or les trois dernières années qu'on a eu avec une inflation élevée, les augmentations générales étaient très élevées, c'est assez logique, car on essaie de rattraper le pouvoir d'achat", explique-t-il sur le plateau de RMC.
Reste l'environnement dans lequel évoluent actuellement les Français. "On a un gouvernement dont on ne connaît pas la stabilité, on a eu des difficultés à avoir un budget, or le budget ça détermine un certain nombre d'éléments de taxes, il y a beaucoup d'inconnues, il y a les fameuses taxes douanières de Trump", énumère Benoît Serre. A cette instabilité s'ajoute en outre les 66.000 entreprises qui ont disparu l'année dernière.
2% "c'est pas ouf"
Au grand dam des salariés comme Charlène qui a presque arrêté d'espérer alors que son salaire n'a pas bougé de puis 3 ans et que sa dernière tentative de négociation l'année passée n'a pas abouti: "Ce n'est pas moi qui décide malheureusement alors que le coût de la vie est très élevé", déplore cette DRH justement.
Même constat pour Thomas, jeune salarié dans le nucléaire, déjà démotivé de ne rien voir avancer: "J'ai fait 5 ans d'études, j'ai accepté un salaire dans les bases en espérant augmenter au fil des années. Cela n'a pas porté ses fruits donc j'envisage de changer de boîte c'est dommage".
Olivier a lui été augmenté l'an dernier: "J'ai eu 2%, c'est pas ouf!". Ce cadre dans l'immobilier estime que les patrons doivent prendre leur part: "Si on veut continuer à vivre correctement, il faut que les entreprises fassent l'effort, on le mérite aussi".
Des compensations prévues
De leur côté, les patrons jouent la sécurité. "Ils sont inquiets et extrêmement prudents, car s'ils prennent de mauvaises décisions, ils peuvent le payer beaucoup plus cher et en emplois quelques mois plus tard", affirme le vice-président de l'ANDRH.
Benoît Serre précise toutefois que les budgets d'augmentation individuelle vont demeurer. Un mouvement "logique", car ces augmentations sont minorées en cas d'inflation forte, mais reviennent sur la table dans la situation inverse, à savoir celle dans laquelle se trouve le pays actuellement, avec un taux d'environ 1,3%. Davantage d'augmentations ciblées devraient donc survenir.
Ces hausses de salaire devraient d'ailleurs probablement toucher les cadres intermédiaires, avance Benoît Serre. "Durant les trois dernières années, ils ont été les premières victimes de la non–augmentation", rappelle-t-il.
Elles interviendront également pour permettre aux entreprises d'augmenter les profils dits rares, à savoir difficiles à garder ou à recruter, dans un contexte de concurrence au recrutement.
Pour celles et ceux qui ne bénéficieront pas d'augmentation, certaines compensations entrent en jeu, en matière de conditions de travail ou de prise en charge de frais de santé, par exemple. "D'abord, car ça impact directement les bas salaires plus rapidement et l'autre aspect est que, pour des raisons fiscales ou autre, cela coûte un peu moins cher à l'entreprise", détaille Benoît Serre.
En cas de négociation, le DRH recommande d'ailleurs de ne pas procéder à un ultimatum avec son entreprise en faisant planer la menace d'un départ en cas d'augmentation refusée par son supérieur. La recette du succès : "être transparent et donner les raisons" de cette demande de réévaluation.