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Négociations des retraites: ce qu'il faut attendre des discussions qui démarrent ce jeudi

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À la demande du Premier ministre, François Bayrou, les partenaires sociaux se retrouvent ce jeudi après-midi pour entamer un cercle de discussions visant à aboutir à un accord. François Bayrou qui souhaite qu'il souhaite que les partenaires sociaux parviennent à "rétablir l'équilibre financier de notre système de retraites à l'horizon 2030".

C’est aujourd’hui le point de départ des discussions entre partenaires sociaux pour améliorer la réforme des retraites de 2023 qui avait passé l’âge de départ à la retraite de 62 ans à 64 ans.

Les syndicats et le patronat vont se réunir dans une salle à 14h30 ce jeudi sous l’égide de Jean-Jacques Marette, un monsieur très discret, mais qui fait l’unanimité parce qu’il connaît très bien le dossier des retraites. Ce ne sont pas forcément les numéros un des syndicats qui seront autour de la table. Pas de Sophie Binet ni de Patrick Martin. Ils vont envoyer leurs meilleurs spécialistes, leurs négociateurs…

3 questions pour comprendre : Retraites, les partenaires sociaux entament le dialogue - 27/02
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Aujourd’hui, tout ce beau monde va se mettre d’accord sur la méthode des discussions, sur le calendrier… S’ils ont des demandes de chiffrage supplémentaires à faire, ils auront leurs réponses. Par exemple, la CGT a demandé à ce qu’on chiffre ce que coûterait un retour à la retraite à 62 ans. Ensuite, ils vont se revoir une fois par semaine pendant trois mois, donc jusqu’à fin mai-début juin.

L’enjeu derrière tout ça, c’est d’améliorer la réforme de 2023 très impopulaire dans l’opinion, chez les syndicats et les oppositions. François Bayrou a lancé ce chantier pour satisfaire le PS et se maintenir plus longtemps au pouvoir. Il y a donc une vraie dimension politique. Mais l’enjeu, c’est aussi de trouver des solutions pour résorber le déficit François Bayrou a dit : “vous avez carte blanche à condition que vous résorbiez le déficit dans un délai raisonnable”. Et il a même précisé mercredi dans une lettre envoyée aux partenaires sociaux qu’il faut arriver à l’équilibre en 2030. C’est la seule contrainte, mais elle est de taille.

Des positions très éloignées

Car la Cour des comptes a remis son rapport la semaine dernière et ce n’est pas brillant. On est sur un déficit de plus de 6 milliards d’euros cette année et à cause de la démographie, ce déficit va s’aggraver à 15 milliards d’euros dans 10 ans, et même 30 milliards de déficit en 2045 selon la Cour des comptes.

Alors qui arrivera à sortir de sa position initiatique qui sont chacune radicalement éloignées. D’un côté plusieurs syndicats qui réclament l’abrogation de la réforme et de l’autre côté, le patronat et le gouvernement qui expliquent que revenir sur les 64 ans, c’est non parce que ça coûterait trop cher. La CGT répond qu’il existe des solutions pour le financer comme soumettre l’intéressement et la participation à cotisation, faire payer une surcotisation aux entreprises qui n’appliquent pas l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, taxer les dividendes… Force ouvrière veut, de son côté, revenir sur les aides aux entreprises.

Mais en face, Patrick Martin du Medef dit non à une hausse du coût du travail et martèle que les entreprises sont déjà très taxées et qu’augmenter les cotisations amputerait le pouvoir d’achat des salariés. Le patron du Medef pousse même pour reculer l’âge de départ à 65 ans.

Les partenaires sociaux ont pourtant intérêt à trouver un compromis pour montrer qu’ils sont plus responsables que les politiques. Ça fait des années qu’ils se plaignent de perdre du pouvoir, donc c’est à eux de montrer qu’ils peuvent atterrir sur un accord. Mais les positions de départ semblent irréconciliables.

La retraite par capitalisation, nouvelle solution portée par le patronat

Concrètement, il existe des voies de passage sur certaines mesures, par exemple sur la pénibilité, un sujet porté par la CFDT. Le syndicat souhaite réintroduire dans le calcul de la pénibilité les quatre critères qui avaient été supprimés par Emmanuel Macron à savoir le port de charges lourdes, les vibrations mécaniques, les postures pénibles et l’exposition aux agents chimiques, puisque ces critères représentent 90% des maladies professionnelles. Il pourrait y avoir une amélioration, puisqu’il existe déjà un fond de prévention avec beaucoup d’argent peu ou mal utilisé. Le patronat est visiblement prêt à améliorer la reconversion pour changer de métier lorsqu’on est plus capable d’exercer un métier pénible. Donc c’est le genre de mesure où ça pourrait bouger.

Sur l’âge de départ en revanche, ça s’annonce difficile, et c’est le point qui cristallise toutes les tensions. Certains syndicats se sont même posés la question de claquer la porte dès le début.

Dans ce débat, il y a un mot qui revient de plus en plus, c'est la retraite par capitalisation.

C’est une notion portée par le patronat, en particulier le fougueux nouveau chef de la confédération des PME. Mais beaucoup de syndicats ne veulent pas en entendre parler parce que c’est à l’opposé de notre système de répartition mis en place à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Dans celui-ci, les actifs d’aujourd’hui cotisent pour les retraités d’aujourd’hui. C’est un système solidaire entre générations, alors qu’avec la capitalisation, c’est un peu chacun pour soi. Vous cotisez aujourd’hui, c’est mis dans un pot commun, c’est placé sur les fonds euros ou les marchés financiers, et le jour où vous prenez votre retraite, vous recevez les fruits de ces placements.

Ça existe déjà pour les fonctionnaires. 4,5 millions de personnes cotisent dans un fond, la plupart du temps sans le savoir. Pour beaucoup de voix, notamment au gouvernement, la capitalisation c’est la baguette magique pour sauver le système… Le problème, c’est que pour placer de l’argent, pour capitaliser, il faut du capital, il faut des cotisations, donc la CPME dit “il faut travailler plus”. Une solution qui a beaucoup de mal à passer.

À la fin de la journée, Jean-Jacques Marette, va résumer tout ce qui s’est dit, les points d’accord, les points de désaccord. Le texte sera transmis au gouvernement et fera l’objet d’un vote au Parlement. “Le Parlement aura le dernier mot”, c’est un engagement de François Bayrou.

Victor Joanin