Donald Trump vers la destitution? "Ça reste improbable mais c’est devenu possible"

- - AFP
François Durpaire est historien et spécialiste des Etats-Unis.
"Le dernier événement est peut-être, depuis le début du mandat de Donald Trump, le seul qui est en mesure de conduire à une procédure d’impeachment. Depuis son élection, il y a un contexte particulier, je dirais même un fantasme, qui est lié à l’impeachment. Quelques heures après son investiture, il y avait eu une manifestation dont le cri de ralliement était 'not my president'. Une partie des Américains se réfugiait déjà derrière l’idée de l’impeachment.
Mais on ne conduit pas un président en impeachment pour l’ensemble de son œuvre. Et ça ne se fait pas non plus au gré des desideratas de la population. Il y a d’ailleurs une pétition qui demande sa destitution, et ça, ça n’a pas d’incidence. En revanche, il y a cette fois un acte précis. Donald Trump est accusé d’avoir demandé mi-février au chef du FBI James Comey de fermer les yeux sur l’enquête qui compromettrait le conseiller en matière de sécurité nationale Michael Flynn. Tout ça a d’ailleurs conduit à sa démission.
"On ne plaisante pas aux Etats-Unis avec l’indépendance de la justice"
Si cela est avéré, il y aurait nature à impeachment, puisque cela constituerait judiciairement une entrave à une enquête. Et on ne plaisante pas aux Etats-Unis avec l’indépendance de la justice. L’exécutif ne peut pas interférer dans le cours d’une procédure judiciaire. Si cela était avéré, effectivement, il y aurait de quoi mettre le président Trump en impeachment.
Mais le premier obstacle est de nature juridique. Si, comme les révélations du New York Times le disent, James Comey était dans le bureau de Donald Trump et qu’il n’y avait donc pas de témoin, c’est la parole de l’un contre la parole de l’autre. Et la Maison Blanche apporte un démenti extrêmement ferme. Ça pourrait apparaître comme la vengeance d’un homme qui a été démis de ses fonctions, James Comey. Il faudrait prouver l’authenticité de la note qu’il a rédigée à ce sujet.
"C’est hautement improbable, puisque la chambre des représentants est républicaine, et que le Sénat est républicain"
Le deuxième obstacle est beaucoup plus lourd, et il est politique. Pour qu’il y ait procédure d’impeachment, ce ne sont pas les juges qui jugent le président des Etats-Unis, mais des membres du Congrès. C’est d’abord une commission au sein de la Chambre des représentants. Et ce sont eux qui doivent décider la mise en impeachment. Et donc du transfert devant le Sénat pour que celui-ci décide ou non de la destitution. C’est hautement improbable, puisque la Chambre des représentants est républicaine, et que le Sénat est républicain.
C’est ce qui explique que la procédure d’impeachment concernant un président, ça n’a été le cas que trois fois. Deux fois, ça a échoué. Et la troisième, le président Richard Nixon a démissionné avant que la procédure aille à son terme. C’est dire la difficulté politique de l’affaire. Ça reste improbable mais c’est devenu possible. Car ces révélations font passer l’affaire de l’impeachment du fantasme d’opposant à Trump à quelque chose d’un peu plus vraisemblable. Ça reste improbable mais c’est devenu possible".