Mohammed Ben Salmane reçu à l’Elysée: pourquoi il est "incontournable" selon Georges Malbrunot
Pourquoi Emmanuel Macron reçoit Mohammed Ben Salmane
Georges Malbrunot, grand reporter au Figaro et spécialiste du Moyen-Orient, auteur de "Le déclassement français" (Michel Lafon), sur RMC:
"Emmanuel Macron s’inscrit dans une logique de réalpolitique. Il a été le premier (président), d’un grand pays européen, à venir à Djeddah en décembre, pour adouber de nouveau Mohammed Ben Salmane. En quelque sorte, Mohammed Ben Salmane lui rend la monnaie de sa pièce. La France considère, après d’autres comme Joe Biden, que l’Arabie saoudite est incontournable géopolitiquement, avec la crise en Ukraine, et financièrement, parce que c’est l’un des premiers pays producteurs de pétrole. On a besoin aujourd’hui que l’Arabie saoudite augmente sa production de pétrole. MBS, quelle que soit l’opinion qu’on peut avoir sur ce dirigeant, est incontournable."
"Il y a une certaine gêne. C’est probablement la France qui l’a invité et l’Arabie saoudite qui a rendu publique sa venue. C’est une courte visite. Emmanuel Macron rentre d’Afrique cet après-midi. Il va dîner, un dîner de travail, avec MBS. On va parler énergie. Je pense qu’il ne faut pas s’attendre à de grands résultats de cette visite. Emmanuel Macron veut être un peu le point de contact de tous ces dirigeants du Golfe. Il a reçu le prince émirati Mohamed Ben Zayed, l’émir du Qatar cheikh Tamim… Il considère qu’il faut passer par Paris."
L’Arabie saoudite déjà au maximum pour la production de pétrole
"Je ne suis pas sûr que sur l’augmentation de la production de pétrole, l’Arabie saoudite accède à la demande européenne. On a besoin du pétrole saoudien et du pétrole du Golfe. Mais l’Arabie saoudite n’a pas assez investi ces dernières années dans ses structures de production, donc elle ne va pas pouvoir augmenter, comme on le demande, sa production de pétrole. Je crois qu’on risque d’être déçu, comme on l’a été pour la visite de Mohamed Ben Zayed, puisqu’on est resté assez vague sur les livraisons. Il ne faut pas s’attendre à trop de choses. Emmanuel Macron, anticipant un automne difficile, pourra dire : j’étais le dirigeant qui a reçu tous ces responsables du Golfe pour leur demander de nous aider à surmonter cette crise ukrainienne."
"Ils produisent 10 millions de barils par jour. C’est un pays incontournable, mais qui est lié par les accords de l’Opep. Et ils sont dans une relation de partenariat avec Vladimir Poutine, qui est membre de l’Opep+. Ils sont en bons termes avec Vladimir Poutine. Tous ces pays du Golfe n’ont pas pris position dans la guerre en Ukraine. Il vaut mieux discuter parce qu’on en a besoin et qu’on en aura encore plus besoin dans les années à venir parce qu’ils vont être encore plus riches. En Arabie saoudite, il y a aussi un plan de développement avec beaucoup d’investissements. C’est un pays très riche et ça intéresse aussi nos entreprises françaises. Il y a la logique des droits de l’homme, qui est évidemment incontestable. Il y a eu ce crime odieux (l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, ndlr). Mais si les dirigeants français ne fréquentent que les démocrates sur la planète, ils vont se rencontrer autour d’une table."
La question des droits de l’homme
"Ça a une place (dans la discussion), bien sûr. Mais en réalité, ça n’a pas d’impact, ou peu. La France est une puissance moyenne. L’Arabie saoudite reste le grand allié des Etats-Unis, même s’il y a une crise. La France est toujours un peu considérée comme le partenaire de substitution de l’Arabie saoudite. Quand elle se chamaille avec les Etats-Unis, les Français essayent d’arriver en coulisses pour prendre la place. C’est un peu ce que fait Emmanuel Macron, comme dans le passé. Et ça marche avec plus ou moins de succès. Le problème, avec l’Arabie saoudite, c’est qu’au niveau commercial, ils nous font beaucoup de promesses, mais elles restent souvent lettre morte. MBS est dans le cadre d’une tournée. Il était en Grèce, il va en Algérie, il ira peut-être voir son château de Louveciennes dont les travaux sont terminés… Pour lui, ça ne mange pas de pain de venir à Paris. La France reste un pays très important. La relation avec Emmanuel Macron n’est pas très bonne, il n’y a pas une grande alchimie entre eux. Ce sont deux jeunes un peu impulsifs. Emmanuel Macron avait dit des choses en 2017, lors de sa prise de contact avec MBS, qui avait été un peu rugueuses."