"Nous sommes dans un moment de vérité": les Syriens toujours dans l'expectative de l'après-Assad

Le chef de la diplomatie syrienne doit participer ce jeudi à Paris à une conférence internationale sur la transition politique et les immenses défis sécuritaires et économiques auxquels fait face son pays après la chute de Bachar al-Assad le 8 décembre. Assaad al-Chaibani effectue son premier voyage officiel dans l'Union européenne, après avoir participé au Forum économique de Davos en Suisse en janvier.
"Les prix ont baissé"
Les Syriens sont toujours dans l'expectative, alors que Damas a annoncé que le pays se doterait le 1er mars d'un gouvernement reflétant la "diversité" du peuple syrien. Deux mois ne suffisent pas pour relever une économie sous sanction depuis des années, témoigne pour RMC Antoine, depuis la ville chrétienne d'Alep. "Sous Assad tout était cher. Maintenant les prix ont baissé mais on n'a plus de liquide. Devant les banques, tu dois attendre des heures pour avoir 300.000 livres syriennes. À Alep, ça va te payer l'électricité une semaine !"
Selon l'ONG spécialisée Mehad, 16,5 millions de personnes ont besoin d'une aide humanitaire urgente
Antoine raconte les salaires non versés, les commerces qui ferment et l'attente sur le plan politique. "J'ai été arrété cinq fois sous Assad, je n'avais pas peur et maintenant non plus. Sur certains point c'est mieux : il n'y a plus de frontière entre les villes syriennes. Nous sommes dans un moment de vérité. Ce n'est pas facile, c'est très dur", confie-t-il.
Certains continuent de craindre une reprise en main religieuse du groupe islamiste HTS (Hayat Tahrir al-Sham) au pouvoir. "Le pire pourait être devant nous" souffle Alain, un Franco-syrien de la région de Lattaquié, qui évoque "des arrestations et des insultes dans la rue". "Moi-même on m'a tiré mes cheveux parce que j'ai fumé une cigarette dans la rue. On m'a dit vous n'allez pas à la prière?"
Le régime intérimaire s'est pourtant engagé à la défense de toutes les minorités, rappelle le représentatnt des Français au Liban et en Syrie: "C'est encore trop tôt, il ne tient pas toutes les factions qui, des fois, peuvent lui échapper. On est prudents mais optimistes" fait savoir Lucas Lamah, conseiller des Français de l’étranger Liban-Syrie.
Emmanuel Macron clôturera la conférence à Paris
À Paris seront représentés, généralement au niveau ministériel, les pays arabes de la région, la Turquie, mais aussi le G7 et plusieurs pays européens. Les Etats-unis, qui n'ont pas encore annoncé de stratégie pour la Syrie, mais dont l'action militaire et humanitaire reste déterminante, participeront en observateurs.
Israël ne sera pas présent, pas plus que des représentants des Kurdes syriens. La conférence, qui sera clôturée par le président français Emmanuel Macron, veut dresser un "cordon sanitaire" pour protéger la transition syrienne d'ingérences étrangères, coordonner l'aide, et faire passer des messages au nouveau pouvoir syrien, résument plusieurs sources diplomatiques. Elle vise aussi à soutenir la justice transitionnelle et la lutte contre l'impunité.