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Sénégal: pourquoi la condamnation de l'opposant Ousmane Sonko a déclenché de violents affrontements

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Depuis plusieurs jours, le Sénégal est en proie à des affrontements entre les forces de l'ordre et des Sénégalais qui supportent la principale figure d'opposition, Ousmane Sonko. Accusé de viol, il a été interpellé et assigné à résidence. Depuis jeudi dernier, 16 personnes sont mortes. La population française a été appelée à rester confinée.

Au Sénégal, 16 personnes ont trouvé la mort lors des troubles qui ont commencé jeudi dernier. Les manifestants protestent contre la condamnation du leader de l’opposition. La communauté française a été appelée à rester confinée à domicile.

Une recommandation largement suivie. Les Français du Sénégal ce week-end ont évité les sorties inutiles pour ne pas se retrouver au milieu des manifestations violentes qui opposent la police à des jeunes en colère. L’ambassade de France a demandé à ses ressortissants d'éviter les rassemblements. Le lycée français de Dakar a été fermé. Des heurts ont aussi éclaté en province, comme par exemple à Mbour, juste à côté de Sally, où se trouve une grosse communauté de retraités français.

La communauté française au Sénégal est la plus importante d'Afrique sub-saharienne. Elle compte au moins 25.000 personnes. C’est le seul pays d'Afrique noire où le nombre de Français augmente, alors que partout ailleurs les Français ont plutôt tendance à partir.

Accusé de viol

Le pays compte également 250 entreprises françaises, y compris les plus grands groupes. Total distribue l’essence, le traitement de l’eau est assuré par Suez, les autoroutes construites par Eiffage, Orange domine le marché de la téléphonie mobile, Auchan exploite 28 supermarchés, et les banques françaises contrôlent le secteur. Ce qui fait parfois l’objet de polémiques puisque les Sénégalais parlent d’une recolonisation économique.

Mais aujourd’hui, ce n’est pas le débat de ce mouvement de contestation. Là, c’est une affaire sénégalo-sénégalaise. Le leader de l’opposition Ousmane Sonko a été condamné jeudi dernier à deux ans de prison ferme. C’est l’aboutissement d’un long feuilleton. Il est accusé de viol par une employée de salon de massage. Une jeune fille de 21 ans qui affirme avoir été violée par l’homme politique de 48 ans quatre fois et sous la menace d’une arme. Lui conteste formellement. Il reconnaît avoir fréquenté ce salon de massage pour soulager ses problèmes de dos, mais affirme n'être jamais resté seul en compagnie de la masseuse.

Ousmane Sonko risquait dix ans de prison. Finalement, le tribunal n’a pas retenu les accusations de viol. Il n’a été condamné que pour “débauche de la jeunesse”, mais condamné tout de même à deux ans ferme.

Ses partisans sont aussitôt descendus dans la rue pour demander qu’il ne soit pas arrêté. Lorsque le verdict est tombé, Ousmane Sonko était à la tête d’un convoi de la liberté. Il avait pris la route pour Dakar depuis Ziguinchor, la ville dont il est le maire, en Casamance. Il voulait traverser tout le pays avec ses soutiens. Mais la police, finalement, l’a arrêté, conduit à Dakar et assigné à résidence en attendant d'être éventuellement emprisonné. C’est cela que les jeunes manifestants ne veulent pas. C’est la raison de leur colère, des pneus qui brûlent et des barricades qui se lèvent.

Un enjeu présidentiel

En plus des morts et des blessés, on compte des centaines d’arrestations. Parmi eux, des jeunes émeutiers, mais aussi militants du parti d’Ousmane Sonko, le PASTEF (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité).

Le leader de l’opposition affirme aussi avoir été victime d’une tentative d’assassinat. Il accuse un policier d’avoir jeté sur lui un liquide empoisonné.

L’enjeu, c’est l'élection présidentielle de l'année prochaine. Ousmane Sonko est candidat. Il était déjà arrivé 3e lors de la dernière présidentielle en 2019. Sauf que sa condamnation à deux ans de prison pourrait le rendre inéligible, ce qui faciliterait la réélection du président sortant Macky Sall.

Ce dernier a déjà fait un septennat puis un quinquennat. Il a fait modifier la constitution pour limiter à deux le nombre des mandats en jurant que cela s’appliquait à lui. Sauf que depuis, il semble avoir changé d’avis et envisage de se représenter. Tout cela ouvre une période de grande incertitude, pour le Sénégal et les Français qui y vivent.

Nicolas Poincaré