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Syrie: des pays européens gèlent les demandes d'asile, une décision prématurée?

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Le ministère de l'Intérieur a fait savoir qu'il travaillait à une suspension des demandes d’asile de Syriens, alors que plusieurs pays dont l'Allemagne ont déjà annoncé un gel des procédures. Mais attention à ne pas aller trop vite, alertent les associations. La situation dans le pays n'est pas stabilisée et cette décision leur semble très prématurée.

Les procédures de demandes d'asile pour les exilés syriens sont gelées par plusieurs pays européens, comme l'Allemagne, l'Italie, l’Autriche, la Suède, le Danemark, la Norvège, la Belgique, la Grande-Bretagne ou encore la Suisse. De son côté, le ministère de l'Intérieur français indique "travailler sur une suspension des dossiers d’asile en cours provenant de Syrie".

La dictature et la guerre civile en Syrie ont provoqué la fuite hors du pays de 7 millions de personnes ces dernières années. Beaucoup d'entre elles ont trouvé refuge en Europe et particulièrement en Allemagne. Plus de 4.400 demandes d'asile en provenance de Syrie ont été enregistrées en France en 2023 selon l'Ofpra, l'office en charge de traiter ces demandes d'asile.

Cette annonce du ministère de l'Intérieur, qui intervient seulement quelques jours après la chute du régime Assad, est jugée prématurée par beaucoup à ce stade. C'est notamment l'avis du Syrien Alan Khater. Arrivé en France en 2014, il se souvient du long processus pour devenir réfugié puis français, et se dit inquiet.

“Le gouvernement français a pris une décision trop rapide pour le moment, on ne sait pas ce qu'il se passe en Syrie. La situation n'est pas du tout stable pour le moment”, estime-t-il.

"Instrumentalisation" de la chute du régime syrien

Environ 700 demandes d'asile de ressortissants syriens sont en cours de traitement en France. L'ONG Médecins du monde juge indécent de suspendre leur examen et parle d'instrumentalisation politique.

"Des équipes nous renvoient tous les jours qu’il est difficile de travailler encore, que les besoins sont immenses, qu’il va falloir plusieurs mois voire plusieurs années pour permettre à un pays qui sort de 13 ans de guerre de se reconstituer, sachant qu’il y a encore des zones de combat, pointe Jean-François Corty, président de Médecins du monde. Et donc aujourd’hui, dire qu’il faut stopper les procédures d'accueil des Syriens, c’est totalement indécent, déplacé. On a le sentiment qu’ils veulent instrumentaliser la chute du régime de Bachar al-Assad pour mener à bien des politiques migratoires répressives qui mettent en tension le droit aux réfugiés."

C'est aussi étonnant pour Vincent Beaugrand, de France Terre d'Asile, que le ministère de l'Intérieur ait été le premier à évoquer leur suspension.

“En fait, les études de demande d'asile en France, ça dépend de l'Ofpra. Et l'Ofpra est un organisme totalement indépendant du ministère de l'Intérieur. Donc effectivement, un ministère ne peut pas interdire une demande d'asile”, pointe-t-il.

Mais il est vrai qu'après la chute du régime Assad, l'Ofpra n'exclut pas de suspendre des demandes d'asile motivées par la situation de guerre en Syrie. “Les motifs qui permettent d'acquérir le statut de réfugié ne se concentrent pas uniquement sur la situation politique d’un pays”, explique Vincent Beaugrand.

Même si son pays est considéré comme sûr, un Syrien qui craint par exemple d'y être persécuté en raison de ses opinions politiques pourra toujours tenter de devenir réfugié.

Amélie Courtet avec Guillaume Descours