Appels à boycotter le nouveau film de Jacques Doillon: une "tentative de cancel culture", estime Chloé Morin

Le film du réalisateur Jacques Doillon, visé par une plainte pour viol sur mineur par l'actrice Judith Godrèche, sortira bien le 27 mars prochain, a confirmé vendredi dernier la production. Le cinéaste, qui conteste les faits, est également mis en cause par Isild Le Besco, qui envisage de déposer une painte contre lui ainsi que Benoît Jacquot, a appris ce jeudi l'AFP auprès de son avocat.
L'actrice Nora Hamzawi dénonce "un mépris de la parole des femmes"
Alors que la cérémonie des Césars se tient vendredi qui célèbre le cinéma français, souvent critiqué pour l'omerta qui y règne à propos des violences sexistes et sexuelles, certains critiquent la décision de maintenir la sortie du film de Jacques Doillon, au moment où l'on assiste à une nouvelle vague de témoignages.
L'actrice Nora Hamzawi, qui joue l'un des rôles principaux du film "CE2", tourné il y a 4 ans, s'est ainsi opposée à voir le film maintenu en salles, estimant qu'il s'agit "d'un mépris vis-à-vis de la parole des femmes". L'acteur Alexis Manenti lui aussi à l'affiche de "CE2", a de son côté affirmé qu'il ne participerait pas à la promotion du film.
"Corriger les injustices par de nouvelles injustices contraires visant les accusés, ce n’est pas la solution", estime sur RMC l'essayiste Chloé Morin.
"Il y a des gens qui ont travaillé sur le film qui n'ont rien à voir avec ces accusations"
A ce propos, Chloé Morin, essayiste et auteure de Quand il aura 20 ans : A ceux qui éteignent les lumières, estime ce jeudi sur RMC "qu'on mélange tout". La libération de la parole des femmes est évidemment nécessaire [...] Cela ne fait pas plaisir d’accorder des droits à des gens visés par des faits de ce type mais c’est l’Etat de droit. Il ne faut pas se dire qu’il y aurait une catégorie de personnes à qui on pourrait enlever les droits. Une fois qu’on commence à les enlever à quelqu’un, on les enlève à tout le monde", poursuit-elle.
Mettant en garde contre ce qu'elle voit comme une "tentative de cancel culture", Chloé Morin en appelle davantage à réformer la justice. "On n'a pas besoin pour ça d'aller abattre un certain nombre de principes fondamentaux". Pour elle, la sortie du film doit être maintenue. "C'est une oeuvre collective, il y a des gens qui ont travaillé dessus et qui n'ont rien à voir avec ces accusations".
Faut-il séparer l'homme de l'oeuvre? Eternelle débat qui alimente les passions, récemment remis au goût du jour avec les accusations concernant Gérard Depardieu, considéré comme un "monstre sacré du cinéma français", France TV s'interrogeant sur les futures rediffusions des films joués par l'acteur.
Les cinéphiles partagés à l'idée d'aller voir le fim de Doillon en salles
Pour ce qui est du film de Jacques Doillon, plusieurs "cinéphiles" interrogés par RMC partagent leurs avis : "Je ne suis pas pour la cancel culture. La justice n'est pas passée et la présomption d'innocence existe", rappelle Jean-Yves, un habitué des salles obscures.
Pour Clément, cinéphile lui aussi, la question est plus complexe. "Il y a quelques années, j'aurai répondu oui sans quelques années. Maintenant, c'est plus compliqué, j'hésite, c'est un dilemme terrible".
Pour Laure, il n'y a pas de débat. "C'est à nous de faire le boycott avec des actions très fortes pour limiter ce genre de comportements. Il aurait été plus malin de retarder la sortie du film", selon elle.
Un avis partagé par Muriel Reus, vice-président de MeeToo Média. "C'est une affaire en cours avec des prises de parole par des comédiennes très engagées. On a du mal à comprendre la position de la production, c'est un très mauvais timing pour lancer le film.
La perception des Français désormais plus sévère sur les violences sexistes et sexuelles
La perception des Français vis à vis des violences sexistes et sexuelles a en semble-t-elle changé, depuis plusieurs années. Chloé Morin est justement à l'origine de l'étude Opinionway, parue dimanche dans La Tribune Dimanche.
La moitié des interrogés estime qu'un acteur ou un réalisateur accusé doit être interdit de travailler avant même d'être jugé. 67% des répondants considèrent "comme un progrès" qu'une personne condamnée ne puisse pas retrouver son métier après avoir purgé sa peine.