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"C'est devenu Bogota": à Marseille, une sanglante guerre de territoire et des habitants sous le choc

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Plusieurs fusillades ont éclaté à Marseille dans la nuit de dimanche à lundi, alors que les réglements de comptes ne font qu'empirer. Certains habitants, choqués et inquiets pour l'avenir, ouvrent la porte à un départ de leur ville natale.

Regain de violences à Marseille sur fond de trafic de drogue. Déjà 14 personnes sont mortes depuis le début de l'année 2023 en raison de règlements de comptes, dont 13 tuées par balles. Lundi, la procureure de la République a fait un point après trois fusillades mortelles intervenues dans la sanglante nuit de dimanche à lundi. Trois jeunes sont morts dont un mineur de 16 ans, et plus d'une dizaine d'autres ont été blessés.

Quatre personnes ont notamment été interpellées dans l'affaire de la fusillade de la Joliette, survenue dans le 2e arrondissement de Marseille, et placées en garde à vue. Pour l’heure, aucun lien n’est établi entre les trois fusillades de ce week-end, indique le parquet de Marseille dans un communiqué. Mais la piste du trafic de drogue est privilégiée. La compagnie de la CRS-8, unité spécialisée dans les violences urbaines, sera à nouveau déployée dans la ville comme l'a annoncé le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.

Pourquoi un tel regain de violence?

Le phénomène n'est pas nouveau à Marseille, mais il s'est accéléré depuis que la police a perturbé l'équilibre du trafic dans la cité de la Paternelle. Une "cascade de conflits", c’est ainsi que la procureure de Marseille qualifie pudiquement l’explosion des règlements de compte. Les opérations policières antidrogue dans la cité de la Paternelle entraînent une guerre de territoire et des vengeances entre trafiquants, souligne Dominique Laurens.

"Une logique de vendetta, de représailles qui s'exercent sur un certain nombre d'individus. On est sur une dynamique particulièrement inquiétante, on pense que ça va se poursuivre encore sur les mois à venir", a-t-elle expliqué lors d'une conférence de presse.

Assassinats ciblés ou intimidations de trafiquants rivaux, le recours aux armes est de plus en plus fréquent, y compris pour s’en prendre à des petites mains du réseau ou leur entourage, explique la préfète de police. Déjà une trentaine d’enquêtes depuis le début de l’année à Marseille, soit autant que sur toute l’année dernière.

"Ça se rapproche du centre-ville"

Dans cette rivalité des territoires, la peur prend le pas sur la colère, comme au quartier de la Joliette, qui est sous le choc. Après avoir récupéré son enfant de 2 ans à la crèche, juste en face du lieu de la fusillade, Katia est encore sonnée.

"Imaginez si ça s'était passé un matin au moment où on dépose les enfants. C'est grave, c'est choquant. On n'est pas en sécurité", estime-t-elle.

La Joliette, c’est pourtant un quartier dit calme, touristique, à deux pas des Terrasses du port, selon Lila, qui a grandi ici. En 34 ans, c’est la première fusillade dont elle est témoin dans le quartier, mais on ne peut pas dire qu’elle soit choquée.

"Surprise car maintenant ça se rapproche du centre-ville, mais après pas surprise car les règlements de comptes s'enchaînent, et ils sont de plus en plus jeunes. Peu importe où vous habitez, au nord, au sud, vous n'êtes vraiment à l'abri de rien, on se pose de plus en plus de questions... C'est devenu Bogota", juge-t-elle.

Pour l’instant, ni Lila et ni Katia ne vont quitter cette ville, où elles ont toutes leurs attaches, mais confient l’envisager sérieusement.

Lucille Pascanet et Guillaume Biet (édité par J.A.)