Manifestation antimafia à Ajaccio: "Les Corses en ont marre"

Les deux collectifs antimafia de Corse appellent à manifester ce samedi à Ajaccio, à partir de 14h, avec pour mot d'ordre "ASSASSINI, MAFFIOSI, FORA" ("assassins, mafieux, dehors"). Samedi 15 février, Chloé, une étudiante de 18 ans, était tuée par balles alors qu'elle se trouvait seule au volant du véhicule habituellement utilisé par son compagnon, avait indiqué le procureur de la République de Bastia, Jean-Philippe Navarre.
Un drame qui s'ajoute à d'autres sur l'île de Beauté. "Il apparaissait évident qu'il fallait aller dans la rue. Les Corses en ont marre du racket, du crime organisé et, eux appellent ça la mafia", explique sur RMC Fabrice Rizzoli, docteur en sciences politiques spécialise de la criminalité. Un terme déjà utilisé notamment par Gérald Darmanin, lorsqu'il était ministre de l'Intérieur, et Nicolas Bessonne, procureur de la République à Marseille.
Le pape François, dont la santé provoque l'inquiétude des fidèles, avait même été interpellé par l'un des collectifs, avant sa venue en Corse en décembre, lui demandant de condamner la mafia.
L'ancien maire antimafia de Palerme invité de l'Assemblée de Corse
Une chaîne de boulangeries en Balagne (Haute-Corse) été la cible à trois reprises de dégradations, la dernière fois vendredi matin, une "répétition" très évocatrice "des codes de la criminalité organisée", a indiqué à l'AFP le procureur de Bastia. Le 23 février, quelque 400 personnes s'étaient rassemblées devant la boulangerie de Corbara, en soutien à Jean-Charles Canioni, à la tête de cette enseigne.
Leoluca Orlande, célèbre ancien maire antimafia de Palerme (Sicile) était d'ailleurs l'invité de l'assemblée de Corse le 27 février lors d'une session dédiée à la "lutte contre les dérives mafieuses". L'Italie, un exemple dans la lutte antimafia? "La société civile corse est allée se former là-bas, auprès des associations anti-mafia qui fonctionnent. C'est grâce à eux qu'on a obtenu la confiscation obligatoire des instruments et produits du crime en avril 2024", a soutenu Fabrice Rizzoli.
Un colloque sur le même sujet était ensuite organisé sur l'île, avec la présence du préfet. "Si la Corse et la République se font confiance, nous triompherons du crime, a assuré le 1er mars Jérôme Filippini.
"S'il existait le déli d'association mafieuse en France, elle existerait en Corse et à Marseille", pointe l'universitaire. "Elle tue, rackette, détourne de l'argent avec de la complicité et de la corruption", poursuit-il. Et selon lui, tout cela "ne date pas d'hier".
Vendredi, les députés ont adopté en commission une proposition de loi visant à renforcer l'arsenal judiciaire contre le fléau du narcotrafic, non sans l'amputer de quelques mesures phares
Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau avait défendu mardi dernier un texte devant permettre de "reprendre le contrôle" face au narcotrafic, "cause racine de l'hyperviolence qu'on voit partout en France" et "menace existentielle sur nos institutions". Il avait mis en avant la nécessité de nouvelles techniques spéciales d'enquêtes, devant permettre de "lutter à armes égales" avec le crime organisé.
"La commission parlementaire a souligné la corruption" existante
Mais les députés ont supprimé l'une de ces dispositions, visant à obliger les plateformes de messagerie chiffrée (Signal, WhatsApp...) à permettre l'accès aux correspondances des trafiquants pour les services de renseignement, via une "porte dérobée".
"La commission parlementaire sur le narcotrafic a souligné la corruption des agents pénitentiaires, des policiers et des greffiers. La situation est préoccupante en matière de crime organisé, ce n'est pas pour rien qu'une loie est débattue à l'Assemblée nationale", rappelle Fabrice Rizzoli.