Gérald Darmanin dévoile sa "révolution" judiciaire: "Les juges appliqueront loyalement la loi"

Le ministre de la Justice Gérald Darmanin commence ce jeudi une série de rencontres avec les présidents de groupes parlementaires et surtout avec les syndicats et responsables de la justice, dont les personnels pénitentiaires. Le ministre espère pouvoir imposer une réforme d’ampleur réforme du système judiciaire. Ce matin, le garde des Sceaux a indiqué sur RMC-BFMTV vouloir "propoposer la révolution qui consiste à taper très fort dès les premiers faits."
D’abord, supprimer l’aménagement automatique des peines de prison de moins d’un an. Aujourd’hui, les condamnés à une peine inférieure à douze mois ont peu de chances de séjourner en prison. L’aménagement serait facultatif, voire exceptionnel.
"Ceux qui doivent aller en prison en premier lieu, ce sont ceux qui font des violence aux personnes", souligne Gérald Darmanin
Pour cela, il faut des places de prison. Ces condamnés sont aujourd’hui dehors, alors que la France subit déjà une situation de surpopulation carcérale. Gérald Darmanin plaide pour des établissements plus petits et modulables. Ils seraient construits sur des terrains déjà propriété de la Justice, donc disponibles. "Lorsque les gens commettent des actes de délinquance, ils doivent aller en prison, si les magistrats pensent qu'ils sont dangereux", a fait valoir Gérald Darmanin sur RMC-BFTMV.
Gérald Darmanin veut aussi supprimer le sursis, qu’il estime inefficace. Un "non-sens", selon lui. Il souhaite le remplacer par des peines de probation : travail d’intérêt général, bracelet électronique, courtes peines. Ce système est très utilisé aux États-Unis ou en Angleterre.
Soulignons que cela nécessiterait la mobilisation des Services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP). Le ministre veut justement renforcer leur rôle, quitte à ce qu’ils remplacent parfois les Juges d’application des peines. C’est un point technique, qui peut faire débat. On accélérerait également les procédures. Plus besoin d’attendre un rendez-vous avec le juge. On réserverait ces audiences aux cas de litiges.
"Je n'ai pas à être d'accord avec les juges"
Autre idée qui va faire débat : instaurer des peines minimales. Non seulement pour les récidivistes, comme les anciennes peines planchers, mais dès la première infraction. Une promesse supplémentaire de fermeté et de lutte contre le laxisme. "Je propose de changer la façon de faire, au lieu d'être très dur avec des multirécidivistes et les renvoyer en prison il faut être très dur au premier fait, peine minimale [...] Je propose de toucher au 1er fait", indique Gérald Darmanin sur RMC-BFMTV.
Des voix s’élèvent déjà pour défendre le principe d’individualisation de la peine. Parmi elles, l’ancien procureur François Molins, qui parle de "surenchère pénale et sécuritaire". D’autres magistrats affirment que cela pourrait engorger la justice. On imagine en effet davantage de contestations, donc plus de procès, donc des délais plus longs. "Je n'ai pas à être d'accord avec les juges, je fais de la politique, les juges appliquent loyalement la loi", a rétorqué Gérald Darmanin.
Certaines idées, en revanche, pourront être qualifiées d’innovantes. Sont-elles réalistes? C’est à voir. Classer les détenus selon leur dangerosité, par exemple. Aujourd’hui, on les distingue plutôt selon leur statut : en attente de jugement ou condamnés.
Classer les détenus selon leur dangerosité
Le ministre veut s’inspirer du modèle britannique, où c’est le niveau de risque qui prime. Il faudra doter les Juges des libertés et de la détention d’outils d’évaluation solides et construire des établissements spécialisés: pour trafiquants, pour auteurs de violences sexuelles, etc.
Gérald Darmanin veut aussi simplifier l’arsenal des condamnations. Aujourd’hui, la justice française compte, selon lui, 235 types de peines. Il souhaite les réduire à quatre grands types : prison, amende, bracelet électronique, travail d’intérêt général. On attend d’en savoir plus.
Enfin, autre idée qui apparaît : l’introduction d’un plaider-coupable pour les affaires criminelles. Si l’auteur reconnaît les faits, s’il y a accord avec la victime et le parquet, on se passerait de procès pour parler directement de la peine.
Gérald Darmanin lance un projet qu’il n’est pas sûr de voir aboutir. Il commence par des consultations. Fin juillet, le Garde des Sceaux espère présenter un texte "global et cohérent" au Président de la République et au Premier ministre. Il souhaite porter un projet de loi dès septembre, pour une entrée en application en 2026. Encore faut-il s’assurer d’une majorité à l’Assemblée.