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Police-Justice

Gérald Darmanin veut que les étrangers puissent purger leur peine dans leur pays

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Le ministre de la Justice Gérald Darmanin a affirmé jeudi sa volonté d'engager un "travail" afin que les étrangers condamnés en France puissent être expulsés et purger leur peine dans leur pays.

Le garde des Sceaux Gérald Darmanin veut désengorger les prisons françaises. Il dit avoir engagé un travail en ce sens. On décomptait plus de 81 000 détenus au mois de février, pour 60 000 places. Selon le ministre de la Justice, 25 % des détenus sont étrangers. Cela semble simple comme des maths de collège. Si ces détenus purgeaient leur peine ailleurs qu’en France, alors on retrouverait des taux d’occupation acceptables.

"Cela n’existe pas aujourd’hui au ministère de la Justice", dit le ministre. Il veut attaquer ce chantier "dans les jours qui viennent". Il va falloir faire la différence entre les détenus européens et extra-européens.

En réalité, dans l’Union européenne, on peut déjà transférer des détenus entre les pays. À l’automne dernier, le syndicat FO Justice avait demandé à ce que l’on active cette modalité, ces transferts de détenus européens, précisément pour répondre à la problématique de la surpopulation carcérale.

Le prisonnier pas consulté

Ce qui est nouveau, ce n’est pas seulement l’échange. Aujourd’hui, l’avis du principal intéressé, l’avis du prisonnier, compte. Ce que veut Gérald Darmanin, c’est que l’on puisse se passer de consulter. "Demain, on n’aura plus besoin de demander l’avis du détenu", dit-il.

Mais un autre syndicat est plus réservé : l’UFAP UNSA Justice pose une autre question. "Combien y a-t-il de détenus français dans les prisons étrangères ?" C’est une donnée à prendre en compte évidemment.

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Le dossier compliqué par Matthieu Belliard : Envoyer les détenus étrangers dans leur pays d'origine ? - 14/03
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On peut facilement imaginer que les pays d’origine des prisonniers qu’on va expulser appliquent une forme de réciprocité. Pourquoi ne nous renverraient-ils pas alors les prisonniers français ? Cela peut être "une arme à double tranchant", dit l’UFAP UNSA Justice. Un "effet boomerang". Pour les détenus non-européens, cela peut être plus compliqué.

Très compliqué, alors qu’on parle là de l’essentiel des effectifs étrangers de nos prisons. Selon Gérald Darmanin, deux tiers des prisonniers étrangers en France sont extra-européens.

Echange de détenus

Il prend l’exemple du Maroc, où il a évoqué cette idée avec son homologue ces derniers jours. Un "échange" de détenus va avoir lieu. Il faut comprendre qu’une nouvelle collaboration se met en place. On n’en sait pas plus pour l’instant.

Et surtout, on ne parle là que du Maroc. Il n’est pas sûr qu’on arrive à discuter ce genre de transfert avec l’Algérie dans l’immédiat, par exemple. Il va falloir imaginer des accords bilatéraux avec chacun des pays concernés. Et tous ne se valent pas.

On peut aisément imaginer des recours d’avocats ou d’associations. Les procédures ne seront pas aussi simples que le dit le ministre, rallongées pour le moins. Va alors se poser la question du respect des droits de l’homme dans chacun de ces pays. Tous ne partagent pas nos standards européens.

Externalisation de la détention

Et puis, qui dit que les méfaits commis en France sont aussi condamnables dans les pays d’origine ? C’est sans doute plus compliqué qu’il n’y paraît. D’autres pays européens veulent externaliser la détention. En louant des places de prison ! La Suède est le dernier pays à avoir entamé cette réflexion. Mais cela se fait déjà.

Depuis 2015, la Norvège envoie des prisonniers aux Pays-Bas. Ces derniers ont le luxe d’avoir de la place dans leurs prisons. Même accord pour la Belgique, qui a aussi utilisé les installations de son voisin hollandais avant d’y renoncer.

Mais là, on parle de pays qui se ressemblent. Tant au niveau culturel, que judiciaire, que sur le système carcéral. Dans une décision de 2021, le Danemark est allé encore plus loin. À partir de 2026, le royaume devrait installer des détenus au Kosovo.

300 cellules, pour 300 prisonniers : un accord annuel à 15 millions d’euros. Le Danemark a été sévèrement critiqué par de nombreuses ONG au nom de la dignité humaine.

Matthieu Belliard